Montségur et l'enigme cathare
qui, de toute façon, est merveilleux et ne
peut qu’exciter la convoitise. Le Prince des Ténèbres va donc lancer à l’assaut
ses troupes de démons vers le royaume de la Lumière.
Le Père de la Grandeur est surpris par cette attaque. Pour
se défendre, il émane une première forme, la « Mère de Vie », laquelle
émane à son tour le « Premier Homme » qui est l’Ahura-Mazda des
Mazdéens. Cet homme originel a pour alliés les cinq éléments qui sont l’Air, le
Feu, la Lumière, l’Eau et le Vent. Ahura-Mazda tente désespérément de repousser
l’attaque des Démons, mais il est vaincu et englouti avec les cinq éléments
dans les Ténèbres d’en bas. C’est ainsi qu’une parcelle de la nature divine est
emprisonnée dans la Matière. On remarquera des analogies frappantes entre ce
mythe manichéen et la mythologie germano-scandinave, notamment à propos de la
menace représentée par les Géants toujours prêts à se lancer contre la forteresse
d’Asgard où sont les Dieux, et aussi à la grande bataille eschatologique, le Ragnarök , ou Crépuscule des Dieux.
Cependant, tout n’est pas perdu. L’Homme primordial adresse
alors à Dieu une prière qu’il répète sept fois, nombre symbolique d’une durée
cyclique. Cette prière implore l’Être suprême de le délivrer. Alors le « Roi
du Paradis des Lumières » suscite plusieurs créations, dont la dernière, l’« Esprit
Vivant », descend en compagnie de la « Mère de Vie ». On
reconnaît ici l’influence du christianisme : l’Être suprême envoie en
quelque sorte le « Saint-Esprit » accompagné de la Vierge Marie. Alors
l’Esprit Vivant tend la main à l’Homme primordial pour le tirer hors du monde
des Ténèbres. Ainsi est expliquée et justifiée la célèbre « poignée de
main » des manichéens, marquant symboliquement leur état d’élus.
L’Homme primordial est donc délivré. Il est remonté vers le
royaume d’en haut. Mais il a dû abandonner les cinq éléments dans le royaume d’en
bas, c’est-à-dire en quelque sorte son âme . Cette
substance, qui découle du Bien, qui est lumineuse en soi, est souillée par le
contact qu’elle entretient avec la Matière. Il faut donc organiser le monde en
vue de récupérer un jour cette « âme » souillée, la purifier et la
faire remonter au royaume de Lumière.
L’Être suprême va donc partager la matière qui se trouve mélangée
de substance divine. La partie qui n’est pas souillée par les Ténèbres produira
le Soleil et la Lune. Ainsi s’explique d’ailleurs le culte particulier que les
manichéens rendaient au Soleil et à la Lune, ces deux astres étant considérés
comme participant de la nature divine. Une autre partie, qui est souillée, mais
non entièrement, provoquera l’apparition des étoiles. Puis, une troisième
partie, entièrement contaminée par le Mal, servira à la formation des plantes
et des animaux. Enfin, pour punir les démons de leur attaque et de leur injustice,
leur peau, leur chair, leurs os et leurs excréments composeront la terre, les
montagnes et les eaux.
Les démons sont donc menacés de perdre à jamais toute trace
de substance lumineuse, et ne voulant pas sombrer dans les ténèbres éternelles
après avoir eu la vision du royaume de la Lumière, ils concentrent tout ce qu’il
reste en eux d’énergie lumineuse dans deux êtres nouveaux qu’ils créent : Adam
et Ève. Ainsi est expliquée la naissance de l’humanité : les humains sont
un reste d’énergie divine rassemblée et concentrée par les démons. Mais l’âme
humaine, cette étincelle divine qui demeure toujours, est si bien asservie à la
matière qu’elle n’a plus conscience de son origine divine. Son état naturel est
d’être éternellement ignorante. Elle est privée de connaissance. Mais l’espoir
de salut persiste : une possibilité de délivrance sera offerte à l’humanité.
La Connaissance lui sera octroyée par les envoyés de l’Être suprême, c’est-à-dire
les Prophètes, dont les plus importants sont Ahura-Mazda et le Jésus
transcendant des manichéens, appelé par eux « Jésus le Lumineux ». Et,
à la fin des temps, on verra la victoire définitive du Dieu de la Lumière sur
le monde de la Matière, lequel sera anéanti sous un gigantesque incendie. On
peut constater ici une autre analogie avec la tradition germano-scandinave.
Cette vision de Mani ne manque ni de puissance ni de
grandeur. C’est une
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