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Montségur et l'enigme cathare

Montségur et l'enigme cathare

Titel: Montségur et l'enigme cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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le catharisme, le Mal est absence de Bien .
La difficulté est de savoir pourquoi le Bien peut parfois être absent. Mais
cette formulation n’a rien qui puisse choquer un chrétien orthodoxe, habitué
depuis longtemps à entendre parler des supplices de l’Enfer, donc le Mal absolu,
qui sont éternelle privation de Dieu, c’est-à-dire du Bien absolu. Le danger, c’est
qu’on peut aller très loin dans ce sens et prétendre, avec quelque raison si l’on
suit la logique manichéenne, que Dieu peut volontairement se rétracter et, par
son absence, provoquer le mal. C’est au fond la position de saint Augustin
lui-même, position qui sera ensuite aggravée par Calvin et Jansénius.
    Bien entendu, cette doctrine manichéenne ne pouvait être
transmise ainsi : seuls des philosophes auraient pu y comprendre quelque
chose. Il fallait la diffuser sous forme de récits imagés, et donner au mythe
un corps capable d’être saisi par une intelligence moyenne. Le manichéisme s’exprime
donc par des éléments d’allure mythologique. Le Bien et le Mal étant deux
principes opposés, ils ne peuvent cohabiter et se trouvent donc dans des
régions séparées. Ainsi le Bien se trouvera au nord, ou en haut, tandis que le
Mal sera au sud, en bas. Cela ne fait qu’emprunter à la tradition l’image traditionnelle
du Paradis céleste et de l’Enfer souterrain.
    Mais cette localisation, toute symbolique qu’elle est, prend
un sens étrange que n’avait certainement pas prévu Mani, lorsqu’elle est
récupérée par des idéologues animés par d’autres buts que la théologie
désintéressée. Mani et ses disciples affirment en effet que c’est au nord, en
haut, que réside le « Père de la Grandeur », le « Roi du Paradis
des Lumières ». Quant au « Prince des Ténèbres », il est au sud,
en bas. Les exégètes du XX e  siècle, inspirés
par des théories racistes et éblouis par la mythologie nordique, avec tout ce
qu’elle recèle de connotation de blancheur et de pureté, ne se sont pas fait
faute d’exploiter ces thèmes manichéens, notamment à propos des Cathares et de
la Quête du Graal. Les « Nordiques » qui se sont précipités – et qui
se précipitent toujours – sur la haute vallée de l’Ariège, sur Montségur et sur
le Razès seraient-ils des manichéens ?
    Les symboles sont dangereux dans la mesure où ils peuvent
être interprétés selon des critères discutables et qui ne prouvent rien. Sur un
strict plan mythologique, la doctrine manichéenne ne vise à rien d’autre qu’à
concrétiser par des images spatiales l’éloignement des contraires. Le Nord est
envoûtant parce qu’il est mystérieux : pourquoi ne pas y placer le « Royaume
suprême » ? Tout dépend du contexte socioculturel. Ainsi, les Celtes
qui s’orientaient toujours face au soleil levant considéraient le nord comme la
région sinistre, puisque c’était à gauche, mais cela ne les empêchait pas de
prétendre que le druidisme et la connaissance suprême venaient des « îles
du nord du monde ». C’est un lieu commun de placer le siège de la
Connaissance supérieure dans le nord. Et, bien entendu, pour les « Nordiques »
dont il a été question, le Sud ne peut être que le royaume de Satan, celui des
Sémites et des Noirs. Là-haut, dans le mystérieux « Royaume de Thulé »,
Dieu, quel qu’il soit, nous attend ; et il est entouré d’une cohorte d’ éons qui gravitent sous le commandement des archontes . On voit se dessiner les contours d’une milice
qui n’a rien de céleste, mais qui emprunte son « ordre » à cette
organisation pure et parfaite. En bas, dans la chaleur moite du sud, les démons
s’agitent autour du Prince des Ténèbres, en un mouvement désordonné – il ne
peut y avoir d’ordre, puisque le Mal est la négation de ce qui se passe en haut
– et perpétuel, au cours duquel ils s’entre-tuent et renaissent sans cesse. Le
mythe en lui-même est absolument cohérent.
    Mais tout cela débouche sur une cosmogonie. Dans cette agitation
tumultueuse, et à un moment qui inaugure le Temps, le Prince des Ténèbres
aperçoit brusquement le monde de la Lumière. Peut-être provient-il lui-même de
ce monde de Lumière et en garde-t-il un peu la nostalgie, comme le Satan que
décrit Victor Hugo, l’un des poètes qui a sans doute été le plus grand
manichéen qui soit ? Cette vision fait naître en lui le désir de conquérir
ce monde inconnu ou oublié, mais

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