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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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n’aurais-je pas le droit de me moquer de lui, moi aussi ? »
    Ils approchaient des faubourgs. Le sang de Morgennes se mit à bouillir. Ses mains se crispèrent sur les rênes d’Iblis. Il se sentait sur le point de tourner de l’œil. Car il était trop soucieux de vérité, et que tout en lui hurlait : « Non, je ne suis pas digne ! » Il voulait s’élever dans le vrai, et dans le vrai uniquement.
    Il fit signe à ses hommes d’accélérer l’allure, et fouailla les flancs de son vieil étalon, lui arrachant un hennissement de douleur. La douzaine de cavaliers passa du trot au grand galop, et laissa derrière elle la colonne de Pompée dont l’ombre s’avançait déjà, tel un tentacule géant, à la conquête du désert.
    « Où est ma vérité ? Dans cette ville ? Auprès d’Amaury ? De l’Hôpital ? Ou ailleurs encore ? Y a-t-il seulement, quelque part, une vérité pour moi ? »
    Derrière lui, ses hommes s’écrièrent :
    — Al-Tinnin ! Al-Tinnin !
    C’est le nom qu’on lui donnait en arabe, et qui signifiait : « le Dragon ».
    Auraient-ils le droit de piller ? Morgennes espérait que non. À Bilbaïs déjà, la troupe avait été autorisée à saccager la ville, alors qu’il eût été plus sage de ne point la toucher. Depuis le couronnement d’Amaury, la malheureuse Bilbaïs n’avait guère eu le temps de panser ses plaies, puisque les Francs l’avaient pillée à trois reprises.
    La ville, que tous qualifiaient de « pré-pillée », n’était plus qu’un désert, mélange de rues et de maisons à demi inhabitées, hantées par des fantômes et des gens pressés de la quitter.
    Morgennes ne voyait pas pourquoi il en irait autrement pour Alexandrie.
    « Foi jurée, si Amaury interdit le pillage, je renonce à être fait chevalier ! »
    La petite troupe se rapprocha de la porte du Caire. À l’est, une myriade de souches de palmiers rappelait qu’au début du siège, les Francs avaient coupé les arbres pour fabriquer des machines de guerre. Mais les onagres et les scorpions, les trébuchets, les tours mobiles, n’avaient pas arraché un soupir à la ville, se contentant d’en endommager les murs, d’en effleurer la virginité. Et si Alexandrie avait capitulé, c’était parce que ses bourgeois, doublement motivés par un estomac qui criait famine et par la promesse de l’annulation de certaines taxes, avaient enjoint Saladin de cesser le combat.
    Trois mois de siège, c’était trop. Le djihad, oui. Mais pas toute l’année. Pas à ce prix. Déjà, septembre approchait, et avec lui la prochaine décrue du Nil ; toute une saison de commerce qu’il n’était pas question de rater. L’estomac vide, ça pouvait passer (pour la plupart d’entre eux, le ramadan les y avait habitués), mais la bourse, jamais !
    — Nous n’avons pas les moyens d’être pauvres, se lamentaient les plus riches habitants de la ville. Nous avons trop de frais !
    Saladin, venu de Damas avec son oncle Chirkouh pour conquérir l’Égypte, avait été contraint de les écouter. D’ailleurs, il était las, lui aussi, de tout cela. Car s’il comprenait les motivations politiques de cette guerre (unir les musulmans, encercler les Francs), il n’avait pas envie de la faire. Il n’était pas un guerrier. « Ma place, se disait-il, est à Damas, avec les sages, les religieux. Ma place est auprès du Coran, pas sur les champs de bataille. » Mais il n’avait pas osé désobéir à Chirkouh le Borgne, son oncle, dont les colères étaient si redoutables qu’elles lui avaient valu d’être surnommé « le Lion ».
    Quand Chirkouh l’avait chargé de prendre Alexandrie et de tenir la position, Saladin, encore une fois, avait obéi sans discuter. Mais il comprenait maintenant que si la ville s’était rendue à lui sans difficulté, ce n’était pas parce qu’elle avait envie de se rallier à Nur al-Din. Non. C’était parce qu’il était dans sa nature de ne pas résister plus qu’il ne fallait, juste pour la forme – comme elle le faisait maintenant avec les Francs et le pouvoir scélérat du Caire.
    À bout de forces, avec seulement mille hommes pour contenir les cinq mille soldats et mercenaires des troupes franco-égyptiennes de Chawar et d’Amaury, Saladin avait fini par admettre sa défaite ; et par l’intermédiaire d’un Franc qu’il gardait en otage, négocier les termes de sa reddition.
    Alors qu’ils approchaient de l’entrée de la ville,

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