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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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déambuler dans les couloirs de l’abbaye, où résonnaient des voix.
    — Alors, me dit-il du même ton enjoué qu’à l’accoutumée, déjà de retour ?
    — J’accepte, dis-je simplement, sachant qu’il comprendrait.
    Poucet se tapa dans les mains, et rugit :
    — Par saint Trémeur de Carhaix ! Je le savais !
    Puis, un ton plus bas parce que des têtes encapuchonnées s’étaient tournées vers nous :
    — N’y vois nulle offense, mon cher Chrétien, mais tu n’es pas fait pour la prêtrise. Je n’ai pas cru un seul instant que tu pourrais rester plus d’une semaine éloigné de ton prochain récit…
    Nous tournâmes à un angle, et nous dirigeâmes vers un corridor qui menait à une porte cloutée. Derrière s’élevaient les voix que l’on entendait depuis notre arrivée au monastère.
    — Mon père, j’aimerais vous poser une question.
    — Je t’écoute.
    — Vous n’avez jamais douté ?
    — Quoi ? De ton retour ? Pas un instant !
    — Pourtant, j’aurais pu me plaire là-bas, trouver l’église à mon goût…
    — Te plaire là-bas ? Trouver l’église à ton goût ? Allons, mais ce n’est qu’une ruine ! N’est-ce pas ?
    Poucet tourna vers moi son regard pétillant d’intelligence, où se lisaient malice et moquerie.
    — Ainsi, vous saviez.
    — N’avais-je pas raison ? demanda-t-il.
    — Si.
    Comme nous arrivions à la porte cloutée, Poucet me dit :
    — Hormis les araignées et les vrillettes, nul n’a touché à tes affaires. Tu retrouveras ton manuscrit tel que tu l’as laissé.
    — Vous m’aviez dit que vous le donneriez à frère Anselme.
    — Je t’ai menti. Me crois-tu assez fou pour confier à autrui ce pour quoi Dieu t’a fait ? Trouve-moi quelqu’un d’aussi doué que toi, et alors oui, j’accepterai de lui confier le soin de nous représenter au prochain Puy. Mais tu es le meilleur, et j’ai besoin de toi…
    — Une dernière chose.
    — Je t’écoute.
    — Ce jeune homme, là, derrière moi…, fis-je en montrant Morgennes, habillé de guenilles.
    — Oui ?
    — Pourriez-vous l’accepter dans notre ordre ?
    — Il sait tenir sa langue. C’est déjà un bon point. Mais quel âge a-t-il ?
    — Dans les quinze ou seize hivers.
    — S’il avait été plus jeune, poursuivit Poucet, je n’y aurais pas vu d’inconvénient. Mais il est trop vieux…
    — Alors, ne connaissez-vous pas dans les environs quelque personne de noble lignage qui pourrait le prendre comme écuyer ?
    — Allons, réfléchis ! La plupart de ces gars-là manient l’épée depuis l’âge de trois ans. Ils savent monter à cheval et jouter. As-tu déjà tenu une lance ? demanda Poucet à Morgennes.
    — Jamais.
    — Ce n’est pas moi qui t’en ferai le reproche… Quelles sont tes principales qualités ?
    Morgennes se prit le menton dans la main, parut réfléchit un instant.
    — Ma mère me trouvait courageux. Ma sœur, bon camarade de jeu. Mon père, surtout, me disait toujours que j’avais une mémoire étonnante. Enfin, je ne renâcle pas à la besogne.
    — Ce sont là certes des qualités appréciables, mais sais-tu le latin ?
    — Non.
    — Sais-tu seulement lire ?
    — Non plus.
    — Concrètement, que sais-tu faire ? Fouler ? Non. Faucher ? Non. Faner ? Non plus. Ton père était forgeron, si j’ai bien compris. Ne t’a-t-il donc point transmis son métier ?
    — Il n’en avait pas l’intention, dit Morgennes.
    — Dommage, fit Poucet.
    Je décidai alors d’intervenir :
    — Morgennes est fort. Il sait tailler la pierre. Et c’est un bâtisseur ! Je l’ai vu construire un pont qui est, ma foi, l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de contempler.
    — Nous ne sommes pas une confrérie de tailleurs de pierre ! Peut-être qu’à Paris, s’il tente sa chance auprès du lévite Maurice de Sully, il pourrait se joindre à l’équipe que celui-ci est en train de réunir pour y construire une cathédrale…
    — S’il part, je pars aussi, dis-je.
    — Chrétien, tu sais combien je tiens à toi. Mais là, c’est impossible. Trop de nos frères ont déjà poussé la porte de cet établissement alors qu’ils auraient dû rester dehors… Et combien sont restés dehors alors qu’ils auraient mérité d’y entrer ? Non, malheureusement, je me vois dans l’obligation de refuser… L’évêque Grosseteste doit bientôt venir nous visiter, et il interrogera tout le monde. S’il

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