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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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en tête.
    — En tête ? Oh, pas grand-chose, je le crains. Mais la cervelle de Morgennes… Elle peut contenir le monde entier !
    Emporté par mon élan, je m’agenouillai et lui pris les mains pour les porter à ma bouche, comme un enfant avec sa mère quand il cherche à se faire pardonner. Après lui avoir expliqué mon projet, je l’implorai :
    — Par pitié, mon père. Morgennes est un prodige, un don de Dieu fait à notre communauté. Pour une raison que j’ignore, sa mémoire retient tout ! C’est un miracle.
    — Une malédiction, soupira Poucet. Mais enfin, il n’y a là rien de nouveau. Dois-je te rappeler la façon dont Morgennes est entré chez nous ?
    — Non. Je ne l’ai point oubliée. Mais c’est incommensurablement plus que cela, car il ne s’agit pas que d’apprendre à parler latin en trois jours !
    — Bon. Voyons, mon fils, dit Poucet en se tournant vers Morgennes, te rappelles-tu notre premier entretien ?
    Morgennes le lui rapporta, mot pour mot. Interrogé sur le temps qu’il faisait ce jour-là, il dit les lourds épis, dorés comme des sous posés dans le coffre des prés. Ensuite il ajouta les toiles d’araignée dont s’ornait mon dernier manuscrit, parla de frère Anselme et des chasseurs de vrillettes, précisa l’endroit où ils se tenaient, décrivit la mine qu’ils faisaient… Paroles, sensations, couleurs et odeurs, tout était là, tel qu’au premier jour !
    — Par l’Église ! fit Poucet. J’ai l’impression que c’est on ne peut plus correct…
    — Demandez-lui la Bible !
    Poucet m’interrogea du regard. Pourquoi la Bible ? Parce que c’était l’ouvrage à l’aide duquel Morgennes avait appris à lire.
    — Genèse, VI, 4 ?
    Morgennes récita : « En ces temps-là il y avait des géants sur la terre et même après cela : quand les fils d’Élohim venaient vers les filles des hommes et qu’elles enfantaient d’eux, naissaient les héros qui furent jadis des hommes de renom. »
    Poucet hocha la tête d’un air à la fois grave et satisfait. Puis il leva les yeux vers Morgennes – car celui-ci le dominait d’un peu plus d’une tête – et lui dit :
    — Sais-tu que pour Platon la mémoire est ce qui permet d’accéder à la Vraie Connaissance  ? Que pour saint Augustin elle est conscience, non seulement de soi, mais aussi du monde, et de Dieu  ?
    Marquant une pause dans son discours, il marcha vers son bureau et se remplit une coupe de vin.
    — Mon fils, reprit-il, si ta mémoire est à ce point prodigieuse, c’est peut-être que tu comptes parmi tes ancêtres l’un de ces héros, descendants des enfants d’Élohim… C’est ta malédiction. Ton fardeau. Il te faudra faire avec, et tout ce que je te souhaite c’est d’arriver un jour à oublier.
    — Je n’ai pas envie d’oublier, dit Morgennes.
    — Pas encore, dit Poucet. Mais ça viendra…
    Il vida sa coupe, et ajouta :
    — Cela dit, ce serait vraiment pitié que de ne pas en profiter !
    Il se dirigea alors vers un vieux coffre en bois fermé par un cadenas. Après l’avoir ouvert, il en sortit une paire de bottes maculées de poussière.
    — Je ne m’en suis pas servi depuis longtemps, dit-il en les époussetant avec sa manche, mais je crois qu’elles fonctionnent encore. Essaie-les !
    Morgennes prit les bottes. Elles semblaient un peu petites, mais s’adaptèrent miraculeusement à ses pieds quand il les enfila.
    — Formidable ! dit Poucet.
    Après m’avoir remis une bourse pleine de mailles, il nous accompagna jusqu’à l’entrée du monastère. Là, il nous serra sur son cœur et nous donna ce conseil :
    — Gardez-vous des ogres…
    Pendant à peu près trois années, au terme desquelles Morgennes fut nommé frère portier, nous fîmes de fabuleux voyages. Moi juché sur les épaules de Morgennes, lui chaussé des bottes de Poucet, Galline dans mes bras, nous parcourûmes l’Europe en quête de contes et de légendes. Ce que nous découvrîmes alors, nous le saisîmes sans que son propriétaire s’en trouvât dépouillé.
    Nous faisant passer, dans telle cité pour deux étudiants, dans tel château pour des jongleurs et dans telle abbaye pour des pénitents, nous fîmes moisson de toutes les histoires qui nous tombèrent sous les yeux ou dans le creux de l’oreille.
    Au bout des quatre ans qui nous séparaient du prochain Puy d’Arras, nous avions déjà rapporté à nos frères de Beauvais presque autant de récits qu’il

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