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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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demandai :
    — À quoi penses-tu ?
    — Qu’est-ce qu’un lévite ?
    Ce brusque changement de sujet m’étonna. Je l’entraînai à part, murmurant :
    — Pourquoi cette question ?
    — Lorsque Poucet a employé ce terme, le jour de mon arrivée, il ne semblait pas avoir le même sens que celui que je lui connaissais – et que ma mère lui donnait.
    — Quel sens lui donnait-elle ?
    — Celui de gardien du temple…
    — Ah, je vois, fis-je, embarrassé. Tâche d’oublier cela, ou plutôt de ne pas le répéter à d’autres que moi. Mais le sens est à peu près semblable. Un lévite, c’est un diacre. Un membre du clergé. Autrement dit, quelqu’un qui comme moi a vocation à être ordonné prêtre, et qui avant cela a été sous-diacre, et encore avant (quand il appartenait, comme toi, aux ordres mineurs) frère portier, lecteur, exorciste…
    — Combien de temps ?
    — Combien de temps quoi ?
    — Combien de temps avant d’être exorciste, par exemple ?
    — Ma foi, si tu continues à travailler de la sorte, tu le seras avant la prochaine Saint-Sylvestre. Encore quatre ans et tu pourras prétendre au rang de frère portier ! Ensuite, tu pourras devenir sous-diacre, puis diacre… Et puis peut-être un jour te faire ordonner prêtre. À partir de quoi…
    — Et ça se termine quand ?
    — Mais jamais !
    — Tu veux dire qu’une fois qu’on entre dans l’Église, c’est pour la vie ?
    — La vie, oui. Et même après, fis-je en me signant.
    Cette réponse ne parut pas réjouir Morgennes, dont le visage avait repris le même air soucieux que tout à l’heure.
    — Et maintenant, à quoi penses-tu ?
    — Le roi Arthur existe-t-il ?
    Une fois encore, j’étais pris de court.
    — Pourquoi cette question ?
    — J’aimerais qu’il me fasse chevalier.
    — Malheureusement, le roi Arthur n’existe plus. Et c’est tant mieux. Oublie tes chevaliers, Morgennes. Tu vivras mieux sans eux…
    — Et le Saint-Graal ? Il n’existe pas, lui non plus ?
    — Mais enfin, qui t’a parlé de tout ça ?
    — Des voix, le jour de notre arrivée.
    — Des voix ? Mais où ? Quand ?
    — Dans les couloirs du cloître, quand nous nous dirigions vers le scriptorium. Elles parlaient du roi Arthur et du Saint-Graal, et puis aussi de chevaliers…
    Aussi incroyable que cela paraisse, Morgennes me récita alors quelques pages de l’ Historia Regum Britanniae, de Geoffroy de Monmouth, que mes frères étaient en train de copier ce jour-là.
    — Combien de temps t’a-t-il fallu pour mémoriser cela ?
    — Mémoriser ? Je l’ai entendu. C’est là, dans ma mémoire. Pourquoi cette question ? Je ne comprends pas.
    — De quoi te souviens-tu ?
    — Je n’ai rien oublié.
    — Rien ?
    — Rien.
    — Quel est ton plus ancien souvenir ?
    Le regard de Morgennes se couvrit de brume, puis il caressa l’étrange petite cicatrice blanche, en forme de main, qu’il avait sur la joue. Il paraissait se rappeler une présence, tendre et bien-aimée.
    — Je n’oublie jamais rien, dit Morgennes. Ni offense ni bienfait. Rien.
    Il me parla alors de sa mémoire. En vérité, elle était si extraordinaire qu’il arrivait à reconnaître dans la rotondité d’un strato-cumulus l’enfant d’un cumulo-nimbus passé l’année précédente.
    — Par saint Martin ! fis-je en bondissant sur place.
    Avec un tel homme, aucune histoire ne se perdrait plus !
    Un livre pourrait bien brûler ou être dévoré par les vrillettes, il suffirait d’aller trouver Morgennes pour le récupérer – pourvu qu’on le lui ait récité ou qu’il l’ait lu auparavant.
    Une idée me traversa l’esprit :
    — Viens, nous allons voyager !
    Joignant le geste à la parole, j’emmenai Morgennes chez Poucet, à qui je demandai :
    — Mon père, donnez-nous des mailles !
    — Comment ? s’exclama Poucet. Mais tu veux ma mort et celle de ta communauté ! Ne sais-tu pas combien notre bourse est serrée, j’ignore même si…
    — C’est pour un investissement. Vous ne le regretterez pas. Nous irons, Morgennes et moi, dans les plus mauvaises auberges, boirons les plus mauvais vins, mangerons de la paille, mais il faut nous donner de quoi voyager !
    — Enfin, Chrétien, un peu de modération ! Si vous devez voyager, je vous prêterai mes bottes. Elles vous permettront de couvrir sept lieues d’un seul pas, et donc d’économiser sur le coût du trajet… Mais dis-moi ce que tu as

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