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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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c’est votre père. Mais, surtout, celui que vous avez trahi, c’est vous-même. Et vous avez par votre geste indiqué la valeur que vous accordiez à vos ancêtres, à vos rêves, à votre peuple, à votre fonction, et pour finir à votre propre personne.
    Tel un fauve en cage, Amaury fit les cent pas sous sa tente, ne cessant de se prendre le menton dans une main et passant l’autre dans ses cheveux épars.
    — Allons, cherchons, il doit bien y avoir une solution.
    — Majesté, si je puis me permettre…
    — Dis t-t-toujours.
    — Lorsque le vin est tiré…
    — Il faut le boire. Tu veux que je p-p-poursuive cette expédition ?
    — Vous perdrez l’Égypte, c’est un fait. Car tous les Égyptiens se rallieront à Chawar et vous harcèleront partout où ils le pourront, quand bien même parviendriez-vous à vous maintenir au Caire. Ce dont je doute si par malheur Nur al-Din envoyait Chirkouh contre vous…
    — Chirkouh ? Pour autant que je sache, il n’est p-p-pas encore là. Quant à me faire harceler, je n’ai que faire de quelques escarmouches quand j’ai sous mes ordres – enfin, je l’espère – une armée aussi p-p-puissante que celle de Jérusalem. Sans compter les Hospitaliers, la marine – qui doit en ce moment être occupée à remonter le Nil –, et Constantinople, qui peut encore nous p-p-prêter main-forte.
    — Majesté, aucune armée, aussi puissante soit-elle, ne peut espérer vaincre en territoire ennemi si elle ne l’emporte pas totalement.
    — C’est donc un p-p-problème sans solution ? Tu me dis de poursuivre, et pourtant tu ne crois pas qu’il y ait de p-p-possibilité de succès ?
    — Majesté, tout ce que vous pouvez espérer gagner, c’est un peu de temps. Le temps qu’il vous faudra pour vous refaire, et pour permettre aux Byzantins de vous rejoindre dans un an. Bilbaïs portera à tout jamais les stigmates de notre séjour en son sein. Et si les Hospitaliers n’ont pas fait de différence entre les musulmans et les coptes, comment voulez-vous que ces derniers en fassent entre les Hospitaliers et vous-même ? Vous avez perdu un allié précieux. Il faut laisser les plaies se refermer, et faire confiance à Dieu…
    — Dieu !
    De rage, Amaury s’empara de la Vraie Croix, qu’il chargea sur son épaule, et sortit de sa tente. Puis, remontant sur Passelande, toujours encombré de la Croix, il se dirigea vers Bilbaïs et ses charniers.
    Là, il se planta au sommet d’une ruine, et regarda autour de lui.
    À l’entrée de la ville, sur la porte d’une maison dont les murs étaient à moitié effondrés, il aperçut un lion, cloué les pattes en croix. Sa poitrine avait été ouverte par un coup d’épée, et ses viscères pendaient jusqu’au sable, tel un macabre étendard. Si ce lion avait été crucifié de la sorte, c’était parce que aux yeux des Hospitaliers il signifiait le mal – le fauve, probablement alléché par l’odeur de chair fraîche, avait dû être capturé par les chevaliers de l’Hôpital et rivé à sa nouvelle demeure par un coup de lance avant de l’être de façon plus définitive avec de vrais clous. Sa crinière, ruisselante de sang, lui retombait sur la face et lui donnait un air navré. On aurait dit une sinistre imitation du Christ, avec sa parodie de couronne d’épines et ses côtes saillantes, visibles sous sa peau déchiquetée.
    Amaury ferma les yeux un instant, puis les rouvrit pour regarder qui jetait de tels cris, poussait de tels hurlements. C’étaient les mercenaires engagés par les Hospitaliers, qui revenaient au camp les bras chargés de butin. Le visage noir de suie, les mains et la barbe rougies par le sang de leurs victimes, ils emportaient de Bilbaïs des objets aussi insignifiants que des tables ou des tabourets à moitié brûlés, de vieux habits de laine, des bouquets de roseaux ou des vases en grès. Certains s’étaient vêtus des vêtements qu’ils avaient dérobés, et il n’était pas rare d’en voir avec des robes de femme, qu’ils avaient volées pour leurs catins. D’autres, des gourmands, avaient ramassé tout ce qui se pouvait dénicher en matière de vivres, et jeté pêle-mêle dans un drap qu’ils traînaient derrière eux des amphores à demi vidées, des quignons de pain, quelques poignées de blé ou des restes de viande – après lesquels grondaient les chiens.
    En les voyant, Amaury eut une nouvelle fois envie de vomir. Mais il se contint, et leva la Vraie Croix

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