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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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du jardin. Une jument se promenait. Chose extraordinaire, elle avait une sorte de corne sur la tête, au milieu du front – mais Morgennes se dit que c’était peut-être un rayon de lumière, car la jument se tenait à moitié dans l’ombre, sous une trouée de feuillage laissant passer un miroitement de lueurs, dont certaines tombaient perpendiculairement sur sa robe, où elles semaient des fils d’or.
    — Serait-ce une licorne ? demanda-t-il à Guyane.
    — Oui.
    — Mais je croyais qu’elles n’existaient pas…
    — Ça dépend.
    — De quoi ?
    — De ce qui vous arrange. Si vous n’y croyez pas, vous ne la verrez pas.
    Alors Morgennes s’approcha doucement de la jument, et s’aperçut que sa prétendue corne n’était en fait que le fruit d’un jeu d’ombre et de lumière. Il n’y avait pas plus de licorne en ce jardin que de dragon dans les monts Caspiens. Bizarrement, il se sentait déçu.
    — Je crois que j’aurais préféré avoir tort, dit-il à Guyane.
    — Et moi, j’aurais aimé ne jamais avoir à choisir…
    Elle se leva de sa margelle, remit en place les plis de sa robe, et dit :
    — J’ai tellement attendu ce moment que je ne sais plus si c’est une chance ou un malheur.
    — Je vous comprends parfaitement, dit Morgennes. Mais je vais vous aider. Je ne partirai pas d’ici sans vous. Prenez tout votre temps, nous sortirons par où je suis entré.
    — Non, c’est impossible. Cette porte est celle du dragon. Je n’ai pas le droit de l’emprunter…
    — Mais alors, comment faire ? Le Coffre, où vous vivez, est réputé pour n’avoir pas de porte.
    — C’est faux. Il en a deux.
    — De l’extérieur, on ne les voit pas.
    — C’est qu’elles ne mèneront à l’extérieur que si j’accepte de les ouvrir. Laissez-moi vous montrer.
    Elle fit faire à Morgennes le tour de son domaine. Çà et là, des moucharabiehs s’ouvraient sur le jardin – au lieu de donner, comme c’est d’ordinaire le cas, sur l’agitation des rues. Quelques pièces, creusées dans les murs, servaient de lieu d’habitation, mais le plus intéressant était deux immenses portes de bois, ornées de gros clous noirs, et qu’une sorte de niche séparait. L’une de ces portes, tournée vers l’occident, était munie d’un heurtoir en forme de poisson. Elle représentait la religion chrétienne. L’autre porte, tournée vers l’orient, représentait la religion musulmane. Son heurtoir était en forme de croissant de lune.
    — Mais alors, demanda Morgennes, pourquoi n’êtes-vous pas sortie ? Vous n’êtes donc pas réellement prisonnière ?
    — Je suis, et ne suis pas, prisonnière. Simplement, je n’ai pas de religion, et tant que je n’en aurai pas, je resterai ici – car je n’existe pas. Mes deux parents se sont mis d’accord, autrefois, pour me laisser le choix. Soit je deviens chrétienne, comme ma mère, et je sortirai par là (elle désigna la porte de la chrétienté), soit je me fais musulmane, comme mon père, et alors je sortirai par ici, conclut-elle en montrant à Morgennes la porte devant laquelle ils se trouvaient.
    — Mais alors, choisissez !
    — Vous ne comprenez pas. Il ne s’agit pas seulement pour moi de choisir entre islam et chrétienté, mais entre mon père et ma mère. C’est un choix difficile.
    Comme s’apprêtant à faire un long voyage, Morgennes rajusta les lanières de son sac à dos et proposa :
    — Pourquoi n’iriez-vous pas vers la croix ?
    — Parce que je ne suis pas convaincue.
    Il se caressa le menton, puis lui dit :
    — Je croyais que dans le cas d’un enfant né de parents de religions différentes, mais dont l’un au moins est musulman, c’était la religion musulmane qui l’emportait.
    — Ça, c’est ce que disent les musulmans. Mais moi, de toute façon, je suis une exception. Une bien triste, et bien solitaire exception.
    — Je suis un peu comme vous, dit Morgennes. Sauf que je suis de père chrétien et de mère juive.
    — Venez, dit-elle après un léger silence. J’aimerais vous présenter à une femme honorée par plusieurs religions.
    Elle le mena vers la niche qui se trouvait entre les deux portes, et lui fit voir ce qu’il y avait à l’intérieur : une icône, représentant la Vierge. C’était un portrait stupéfiant de réalisme, et Morgennes ne pouvait s’empêcher de frissonner en l’observant. Qui avait pu exécuter cette icône avec un tel talent ?
    — Pixel ?

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