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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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avec sa conscience.
    Grâce à son entremise, les coptes avaient accepté de fournir aux Francs tous les renseignements dont ils avaient besoin, ainsi que des contacts parmi les gardes noirs – qui ne rêvaient que de renverser Chirkouh.
    Leur plan comportait plusieurs phases, dont la première consistait à décapiter les sunnites, et donc à empoisonner Chirkouh. Cette mission échut à Morgennes qui, grâce à la défunte Shyam, était maintenant un fin cordon bleu… en matière de poisons.
    À lui de s’introduire, au cours d’un festin, auprès du nouveau vizir et de lui servir toutes sortes de plats, chacun étant très légèrement empoisonné. Chirkouh était doté d’un tel appétit que de tous les dîneurs il serait le seul à absorber une dose létale. Dans le pire des cas, les autres en seraient quittes pour une bonne colique et quelques jours à rester alités, mais on ne pourrait pas soupçonner que Chirkouh avait été empoisonné. Pour tout le monde, il aurait été tué par sa gourmandise :
    — Qui est, mes chers fils et frères, leur rappela Azyme, un péché mortel !
    Un soir, donc, Morgennes revêtit les habits d’un domestique du palais viziral, et servit de nombreux mets et boissons au cours d’une de ces formidables fêtes données par Chirkouh en l’honneur des siens – en l’occurrence de Taqi, qui fêtait ses dix ans. Plus d’une trentaine de plats furent apportés, dont les convives ne prenaient que cinq ou six bouchées avant de passer au suivant. Sauf Chirkouh. Car là où les uns se contentaient d’un peu, lui dévorait le tout. « Le Lion », comme on le surnommait, engloutissait de pleines amphores de vin et ne laissait au fond des couscoussières que le reflet cuivré des torches tenues par ses serviteurs.
    — À boire ! criait-il.
    Et le borgne d’ingurgiter le contenu d’une barrique. Morgennes se tenait à distance respectable du vizir, mais suffisamment près de Saladin et de Taqi pour capter leurs propos.
    — Pourquoi boit-il autant ? demandait Taqi à Saladin.
    — Par Allah tout-puissant, est-ce que je sais, moi ? Sans doute pour oublier que sa fille est aussi morte que ce chacal de Chawar.
    — Mais le fils de Chawar est encore en vie. Pourquoi ne l’interroge-t-on pas ? Ne peut-on pas lui demander de passer Fostat au tamis ?
    — Non. Ce chien galeux de Palamède a disparu. Sans doute effrayé par le sort que nous avons réservé à son père.
    — Si je le trouve, je l’occis ! s’exclama Taqi.
    — Méfie-toi, mon neveu. Cet homme est comme le serpent : il ne cesse de muer pour s’adapter aux périls. C’est un adversaire puissant que du haut de tes dix ans tu n’es pas encore de taille à affronter. Contente-toi de nous suivre et de garder les yeux ouverts. Mais pour l’instant, l’heure est à la fête. Alors, comme dit le poète : « Livre ton cœur et bois ton vin, ne jette pas ta vie au vent… » Tu as la vie devant toi, mon cher Taqi. Profite !
    « La vie devant lui », marmonna Morgennes. C’est également ce que semblait avoir Chirkouh. Avec la quantité de nourriture qu’il avait engloutie, il aurait déjà dû passer plusieurs fois l’arme à gauche. Puis, comme Morgennes se demandait s’il ne ferait pas mieux de s’éclipser, « le Lion » se fit apporter un citron.
    — Pour me rafraîchir ! expliqua-t-il. Car ces en-cas (fit-il en désignant la montagne de vivres qu’il avait arasée) sont si épicés qu’ils m’ont mis la bouche en feu !
    À l’aide d’un couteau, il creusa un petit trou dans le citron qu’un serviteur venait de lui donner, l’appuya sur ses lèvres, bascula la tête en arrière et pressa. Un fin filet de liquide ruissela sur sa bouche, et Morgennes eut un sourire. « Cela devrait suffire, se dit-il. Car ce citron, c’est moi qui l’ai préparé… »
    Effectivement, quelqu’un cria :
    — Le vizir !
    Les yeux révulsés, Chirkouh porta la main à son cœur, lâcha son citron, éructa bruyamment, se leva de son pouf et tendit la main en disant cette phrase étrange :
    — Ma gazelle, est-ce toi ?
    Puis il s’écroula en pétant. Une puanteur envahit la salle, qui fut aussitôt évacuée. Pour ausculter Chirkouh, on fit venir le médecin personnel du calife – un certain Moïse Maïmonide. Au moment où Morgennes était mis dehors en compagnie de plusieurs dizaines de serviteurs, il entendit le médecin prononcer :
    — Vu la quantité d’aliments qu’il a

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