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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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déjà en lui prenant sa future reine. Puis-je lui désobéir encore en ne lui obéissant pas ? »
    Il tournait et retournait ces problèmes dans sa tête, jusqu’au jour où il se dit : « Allons ! Peut-on appeler père un homme qui a abandonné sa fille ? Chirkouh n’est pas plus son père qu’Aliénor n’est sa mère. Guyane est seule au monde. »
    « Elle n’a que moi ! » se disait-il en lui caressant les cheveux et en veillant sur elle, lui humectant les lèvres et lui donnant à manger quelques cuillerées de soupe. Souvent, il passait la nuit à côté d’elle, ne dormant pas plus d’une heure ou deux. Le reste du temps, il lui racontait l’une des milliers d’histoires qu’il connaissait.
    Mais en son for intérieur, il ne pouvait s’empêcher de se lamenter : « Ah ! Si seulement je pouvais oublier ! Pourquoi ne suis-je pas comme les autres ? Qui se serait souvenu de cela : “Chirkouh est le père de Guyane.” Personne ! Mon crime n’en serait pas un… Ce serait à peine une faute. Cette mémoire, c’est une malédiction ! »
    Un soir, alors qu’il avait fini de lui réciter un conte, il lui confia ce qu’il avait sur le cœur.
    — Que dois-je faire ? Conseille-moi !
    Mais Guyane était dans le coma. Elle ne pouvait lui répondre.
    — Dois-je obéir à mon roi ?
    Elle eut une esquisse de sourire.
    — C’est cela ? N’est-ce pas ? Tu veux, toi aussi, que je tue ton père ?
    Il s’approcha d’elle jusqu’à sentir sa chaleur et eut la joie de la voir sourire à nouveau. Alors, il se sentit rasséréné, et quitta la cellule où reposait Guyane, convaincu d’avoir pris la bonne décision.
    « J’obéis à mon roi. Et je ne déplais pas à Guyane, puisque je ne lui ôte rien dont elle ne soit déjà privée… »
    — Allons retrouver mes soldats !
    Il avait donné à Galet le Chauve et à Dodin le Sauvage toutes sortes d’instructions auxquelles les deux vieux Templiers s’étaient dépêchés d’obéir, d’autant plus promptement qu’ils craignaient pour leur vie. Apparemment, ils avaient appris à respecter Morgennes. Contrairement à eux, ce dernier s’était parfaitement intégré au mode de vie égyptien. Certains jours, il ressemblait même tellement à un copte – avec sa peau brunie, ses nombreux tatouages et son lent phrasé – qu’il était impossible de le distinguer des véritables indigènes. Sa maîtrise des différents dialectes d’Égypte, de France, d’Orient, du Caucase et de Terre sainte était si parfaite qu’il était capable de se donner de nombreuses origines. Pourvu qu’il fût bien déguisé, Morgennes pouvait tromper le monde entier.
    « Tu aurais fait un excellent ophite », s’amusait parfois à lui dire Azyme, pour le taquiner.
    Mais il n’y avait pas que son apparence que Morgennes déguisait. Il avait pris l’habitude de faire abstraction d’un certain nombre de sentiments, et de les mettre – provisoirement – comme à l’intérieur d’un petit sac, au fond, tout au fond de son cœur. Les événements qui l’avaient vu jadis s’affronter aux deux vétérans du Temple ne devaient pas venir perturber le bon déroulement de leur mission. Pour l’heure, il n’avait pas de temps à consacrer à ce genre de détails. « Je les détesterai plus tard », s’était-il dit un jour.
    Le plus curieux, peut-être, fut qu’au cours des semaines qui suivirent l’incendie de Fostat, et durant lesquelles Guyane ne sortit point du coma, les trois hommes se lièrent presque d’amitié. Ils faisaient de l’excellent travail. Plus âgés que Morgennes, Galet le Chauve et Dodin le Sauvage lui narraient leurs anciens faits d’armes, se vantant de tel ou tel exploit qui leur avait valu d’être richement récompensés, par des armes, des armures, ou moult espèces sonnantes et trébuchantes.
    — Je croyais que votre ordre proscrivait la possession de richesses ?
    — Nous ne les possédons pas, expliquait Galet le Chauve, dont le visage était traversé par autant de cicatrices qu’il y avait d’éclairs dans une nuit d’orage. Nous ne faisons que les remettre à notre ordre, qui à son tour se fait une joie de nous les prêter…
    Comme Morgennes accueillait cette déclaration avec une moue étrange, Dodin le Sauvage crut bon de préciser :
    — Nos cousins de l’Hôpital font de même.
    — Je ne vous fais aucun reproche, dit Morgennes, qui savait combien il peut être tentant de s’arranger

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