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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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avait été restauré par un talentueux Maître des Secrets, appelé Philomène…
    — Quelle fable ! dit Marie en secouant la tête. Mon bon Gargano, j’ai du mal à te croire. Tu serais donc une montagne ? Et moi j’aurais été un beau jeune homme, en fait la petite-nièce travestie d’un empereur byzantin ?
    — Hm, hm, fit Gargano.
    — Prouve-le.
    — Comment ?
    — Reprends ta taille originelle.
    Gargano parut gêné, et avoua :
    — C’est que… J’ai oublié comment faire. Ce long séjour dans les marais m’a perturbé…
    Marie haussa les épaules et sourit. Elle ne le croyait pas. Pour Gargano, ce n’était pas un problème. Mais il fallait partir. Alors, il se redressa, la souleva délicatement par les hanches et la déposa sur ses épaules.
    — En route, princesse !
    — Où allons-nous ? demanda Marie.
    — Au Paradis !
    Gargano était dérouté par la nouvelle personnalité de Marie. Car autant Nicéphore savait se montrer entreprenant, audacieux, provocateur, autant Marie – qui le tutoyait – était douce, calme, réservée. Il aimait bien les deux. Mais Nicéphore lui manquait.
    Pour Gargano, les Marais de la Mémoire avaient fait de nombreuses victimes : Nicéphore, les habitants de Crocodilopolis et, bien sûr, Morgennes. Ils marchèrent ainsi, Marie sur les épaules de Gargano, pendant de nombreuses journées. Un matin, Marie entendit la plainte d’un cours d’eau, et demanda à Gargano de s’orienter vers lui.
    Ils avaient retrouvé l’un des affluents du puissant Nil. Ses eaux bleues charriaient de petites feuilles rouges et jaunes provenant des arbres qui poussaient au pied des Monts de la Lune.
    — Suivons-le, fit Gargano.
    Conformément à ce que lui avait dit Morgennes, au bout de quelque temps le Nil plongea sous terre. C’était un prodigieux spectacle : juste avant de disparaître, le divin fleuve s’engouffrait dans une faille en forme de bouche, creusée dans la montagne. Cette trouée, ornée sur chacun de ses flancs et sur sa face principale de statues gigantesques de pharaons, constituait l’ultime ouvrage bâti par les anciens habitants de cette contrée. Ceux-ci vivaient à l’époque où hommes et dragons cohabitaient paisiblement, avant que les armées de Rome, d’Athènes et d’Alexandrie ne viennent semer la zizanie parmi eux.
    Quatre-vingt-cinq statues de bronze hautes d’environ vingt toises dominaient le fleuve, rappelant la puissance du roi Am Kam, légendaire souverain de cette partie de l’Afrique. Gargano avait l’impression de se faufiler entre les pieds de ses cousins. Dans leurs mains, parchemins, livres et instruments de mesure remplaçaient les armes que l’on trouvait habituellement sur de telles statues, car le pouvoir d’Am Kam reposait sur la justice et le droit, et non sur la force et les armes. Héritier de la reine de Saba, également connue en Égypte sous le nom d’Hatshepsout, Am Kam avait régné sur Thèbes et sur Axoum il y a fort longtemps – et l’on disait qu’il y avait rapporté l’Arche d’Alliance.
    Après avoir taillé une pirogue dans un tronc d’arbre évidé, Gargano et Marie remontèrent cet affluent du Nil au cours d’un périple qui tint plus du voyage vers l’Enfer que vers le Paradis.
    La faille s’engouffrait sous terre, conduisant le Nil dans un réseau de canaux souterrains qu’on aurait dit creusés par des Titans. De hautes voûtes se perdaient dans l’obscurité, et des myriades de chauves-souris passaient au-dessus de leur tête en piaulant. Plusieurs fois, Marie – trop effrayée pour ramer – se blottit contre Gargano, qui s’efforçait de maintenir leur pirogue à flot.
    Enfin, alors qu’ils naviguaient depuis plusieurs heures déjà à contre-courant, ils entendirent le grondement d’une chute d’eau et se trouvèrent entourés par un épais brouillard. Des gouttes d’eau en suspension leur faisaient l’impression d’une pluie immobile – d’une averse qui ne tombait pas, et qui ne s’arrêterait jamais.
    — Quelle horreur ! s’écria Marie. On va mourir noyés !
    — Mais non, dit Gargano. Au contraire, c’est de bon augure…
    Comme ils n’y voyaient goutte, ils furent contraints d’avancer lentement, pour ne pas risquer d’endommager leur pirogue. Au bout d’un moment, ils heurtèrent un rocher, puis un autre, et encore un autre. Ils comprirent alors qu’ils étaient arrivés au maximum de ce qu’il était possible de faire en bateau. Ils

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