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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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qu’on désinfecte son palais –, qu’une parenthèse s’impose.
    Il me faut vous parler de ce jour funeste et heureux à la fois, de ce 23 décembre 1169, où plusieurs événements d’une importance majeure pour le déroulement de notre histoire se produisirent. Quatre événements, en vérité, dont il est impossible de dire lequel eut lieu en premier, ni si l’un fut la cause des trois autres.
    Avant de les détailler, je vais commencer par les énumérer, rapidement, et dans l’ordre qu’il me plaira. En l’occurrence, celui du plus grand au plus petit nombre de personnes les ayant subis.
    Premier événement : une éclipse. Tierce venait à peine d’être sonnée, quand la lune avala le soleil. La terre fut plongée dans l’obscurité pendant plusieurs minutes, au cours desquelles le sol trembla – c’est là le deuxième événement.
    Un séisme d’une puissance considérable ravagea la Terre sainte, faisant d’innombrables victimes, causant de terribles dégâts ; mais épargnant une jeune maman en train d’accoucher – c’est là le troisième événement.
    Il se déroulait au Caire, où sous la docte supervision de Moïse Maïmonide, Guyane peinait à mettre au monde son enfant. Après plusieurs jours d’un éprouvant labeur, la fille de Morgennes naquit enfin. Moïse Maïmonide, qui n’avait jamais assisté à pareil phénomène, raconta plus tard que la petite Cassiopée, après être restée au fond du ventre de sa mère pendant un temps incroyable, en était sortie si rapidement qu’on aurait pu croire qu’elle en avait été expulsée par un coup de pied au derrière.
    Quatrième et dernier événement : sur la côte orientale de l’Afrique, Gargano avait tapé du pied.
    Mais tout cela s’était peut-être produit dans un autre ordre, et pourquoi pas l’inverse de celui que je viens d’énoncer ? C’est à chacun de décider. Pour ma part, je ne me prononcerai pas, même si je pense que Gargano a subi l’influence des étoiles : celle des voûtes constellées de diamants dont il venait de sceller les accès, conformément à la promesse faite aux chauves-souris.
    Guillaume ne savait rien de ces deux derniers événements. Pour lui, Morgennes et Chawar étaient morts ; ainsi que Galet le Chauve, Dodin le Sauvage, la femme qui n’existait pas, et bien d’autres vaillants personnages dont les destins s’étaient mêlés à celui du roi et au sien. Le seul qui n’était pas mort, à sa connaissance, était Palamède – cet escroc qui, une fois encore, avait cherché à les rouler, Amaury et lui, pour les jeter contre une Égypte désormais acquise à Saladin.
    Mais il y avait toujours un espoir. Car Saladin n’était pas Nur al-Din, le sultan de Damas. Et d’ailleurs ce dernier se méfiait de ce jeune vizir, dont l’ascension avait été trop rapide à son goût, et qui menaçait d’éclipser la glorieuse lignée que Nur al-Din et son père avaient mis tant d’années à établir.
    « Mais si nous avons Crucifère, pensa Guillaume, alors tout peut changer. Si cette épée est vraiment celle de saint Georges, et si elle a les fabuleux pouvoirs que les Anciens lui prêtent, alors le cours des événements peut s’inverser. L’Égypte peut encore, pourvu que l’on agisse avec discernement, être reprise. L’Égypte aux mains des Francs, Damas ne tardera pas à tomber. Après Damas, ce sera Bagdad. Les Francs n’auront plus rien à craindre. Mais pour cela, d’abord, il faut un roi – un roi à l’autorité incontestée. Il nous faut Crucifère. »
    Guillaume lança sa monture au grand galop vers le levant. Il ne traversait que des successions de ruines et de villages sens dessus dessous, mais ne les voyait pas. Son but, c’était le Krak des Chevaliers – qui lui aussi avait été durement éprouvé par le séisme.
    On le voyait passer telle une flèche, sans s’arrêter. Jamais cheval n’était allé aussi vite. On aurait dit le Diable ! Les hommes se signaient en frémissant, certains que la terre ne s’était ouverte que pour le laisser sortir, et se signaient encore, quand dans son sillage arrivait – quelque temps après – une troupe de personnages masqués.
    Ceux-ci demandaient, dans une langue où pointait un fort accent arabe :
    — Avez-vous vu un cavalier ? Vers où allait-il ? Invariablement, les paysans répondaient en tendant le bras vers l’orient – là où Guillaume se rendait. « Comment se fait-il, se demandaient les

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