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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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murmura-t-elle, sans cesser de fixer
les flammes.
    — Et les autres ? demanda-t-il d’une voix neutre.
    — Le Dr Pinchin avortait les prostituées, et pas
toujours avec succès. Il se faisait payer en nature. Mrs. Pinchin est une femme
très respectable et pleine de principes.
    — Et Bertie Astley ? insista-t-il, animé d’un
souci d’objectivité, masquant ses sentiments à son égard… ou à celui de
Christina, cherchant seulement à comprendre les faits.
    — Il possédait toute une rue de Devil’s Acre, des
meublés, des ateliers et un bar clandestin dont il tirait des revenus non
négligeables. Bien sûr, Beau Astley pourrait l’avoir supprimé pour hériter de
sa fortune.
    — Croyez-vous à cette hypothèse ?
    Il paraissait très calme, mais la crispation de son visage
et de sa main gauche trahissait son inquiétude. Un bref instant, elle vit un
éclair étinceler dans son regard, avant qu’il ne détourne la tête.
    — Non, fit-elle avec effort.
    La porte s’ouvrit brusquement et Christina entra dans la
pièce, très pâle, les yeux brillants. Elle était vêtue d’une grande cape et
portait un grand sac à main en tissu.
    — Tiens, tiens, Miss Ellison… Quel plaisir de vous
revoir ! s’exclama-t-elle. Décidément, vous êtes la personne la plus
studieuse que je connaisse. Vous serez bientôt capable de tenir une conférence
devant un parterre d’érudits sur la vie des soldats anglais pendant la guerre d’Espagne.
Car tel est bien l’objet de votre visite, n’est-ce pas ?
    Le mensonge que Charlotte avait préparé lui vint
naturellement aux lèvres.
    — Mon savoir est infime, Mrs. Ross. Mais je connais
quelqu’un qui s’intéresse beaucoup à ce sujet. Je désirais lui montrer ces
fameuses lettres ; mais auparavant, je tenais à en demander la permission
à votre père.
    — Et bien entendu, vous vous êtes empressée de venir en
personne, remarqua Christina tout en se dirigeant vers le bureau. Une femme
moins audacieuse aurait fait appel à un garçon de course ou à la poste. Surtout
par un temps pareil ! La neige tombe à gros flocons. Les rues sont déjà
toutes blanches. Vous serez gelée avant d’être arrivée chez vous !
    Sans quitter Charlotte des yeux, elle ouvrit un tiroir, y
prit quelque chose qu’elle glissa dans son sac, dont elle claqua le fermoir
avec vivacité.
    Son agressivité envers Charlotte avait trop mis le général
hors de lui pour qu’il songeât à lui demander ce qu’elle avait emprunté.
    — Je ferai raccompagner Miss Ellison, dit-il sèchement.
Je suppose que tu as pris ta voiture ?
    — Évidemment ! Croyez-vous que je sois venue en
omnibus ?
    Elle se dirigea vers la porte et l’ouvrit.
    — Au revoir, Miss Ellison. J’espère que votre… ami
apprécie les guerres napoléoniennes autant que vous.
    Sur ces mots, elle sortit et referma la porte derrière elle.
Quelques instants plus tard, on entendit un martèlement de sabots sur le pavé, puis
le claquement d’une portière.
    — Je crois qu’elle vous a emprunté quelque chose, remarqua
Charlotte, davantage pour briser le silence que pour l’importance du geste.
    Balantyne alla à son bureau, ouvrit le tiroir et en examina
le contenu d’un air perplexe. Des rides de chagrin creusaient son visage, sa
bouche trahissait une vulnérabilité qu’elle ne lui avait jamais vue.
    À présent, Charlotte était sûre qu’il savait ou avait deviné
que Christina travaillait pour Max Burton. Mais qu’en était-il d’Alan Ross ?
    Balantyne se tenait très raide, les yeux écarquillés par la
stupéfaction. Le sang avait reflué de ses joues.
    — Elle a pris mon pistolet.
    Charlotte, un instant paralysée, bondit sur ses pieds.
    — Vite, nous devons la rattraper ! ordonna-t-elle.
Trouvez un cab. Elle vient juste de partir. Nous suivrons les traces de la
voiture dans la neige. Quelles que soient ses intentions, nous arriverons à
temps pour l’empêcher de faire une bêtise ou pour l’aider si elle est en danger.
    En trois enjambées, Balantyne fut à la porte et appela le
valet. Il lui arracha des mains le manteau de Charlotte, sans même penser à se
munir du sien. Il la prit par le bras et la poussa vers la porte d’entrée. Quelques
secondes plus tard, ils étaient dehors, au milieu d’une tempête de neige. Ils
plissaient les yeux, car il faisait presque nuit et la lueur des réverbères n’éclairait
que faiblement les trottoirs. Les flocons qui tombaient en

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