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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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de noircir les
fourneaux, cirer le parquet du couloir ou frotter le perron, accueillit les
instructions de sa maîtresse avec enthousiasme – et la tacite promesse de tenir
sa langue. Elle savait reconnaître une atmosphère de conspiration, même si elle
ne l’approuvait pas. Selon elle, la curiosité d’une dame devait se limiter aux
affaires de cœur de ses semblables, à leur manière de s’habiller et au prix de
leur garde-robe, et encore, en conservant sa dignité. Que Charlotte cherche à
découvrir l’assassin d’un gentleman, passe encore, mais pas celui d’un
soi-disant médecin exerçant à Devil’s Acre et qui ne devait pas valoir
grand-chose, ah ça non ! Gracie avait entendu parler de ce quartier et des
gens qui le fréquentaient !
    Charlotte lui avait dit qu’elle allait voir sa sœur Emily, mais
Gracie avait sa petite idée sur la question. Lady Ashworth n’hésitait pas elle aussi
à aller fourrer son nez dans des histoires peu orthodoxes.
    Elle exécuta une petite révérence.
    — Bien, madame. Je vous souhaite de passer une bonne
journée. Prenez bien garde à vous, tout de même…
    Charlotte se retourna vivement, frôlant une chaise avec le
bas de sa robe, pour prendre le manteau que Gracie lui tendait.
    — Bien entendu ! Quelle idée ! Je vais
seulement à Paragon Walk.
    — Oui, madame, bien sûr…
    Charlotte lui lança un regard oblique, mais ne répondit pas,
considérant qu’elle lui avait déjà suffisamment recommandé la discrétion.
    — Que dois-je dire à Monsieur à son retour ? demanda
Gracie.
    — Rien du tout, puisque je serai rentrée avant lui. D’ailleurs,
si ma sœur est occupée, je reviendrai peut-être pour le déjeuner.
    Sur ces paroles, elle ouvrit la porte, descendit les marches
du perron et s’éloigna vivement vers l’arrêt de l’omnibus, au coin de la rue.
     
    Paragon Walk resplendissait d’élégance dans le frais soleil
d’hiver. Charlotte remonta d’un pas vif l’agréable allée qui menait à la porte
d’Emily. Le valet l’ouvrit avant même qu’elle ait eu le temps de tirer le
cordon de la sonnette. Dans une maison bien organisée, les fenêtres de l’office
donnent toujours sur la rue, de façon à voir arriver les visiteurs.
    — Bonjour, Mrs. Pitt, dit-il, très courtois.
    — Bonjour, Albert.
    Elle accepta avec satisfaction cette tacite invitation à
entrer. C’était un sentiment très agréable d’être ainsi reconnue. Cela lui
donnait la brève illusion de faire de nouveau partie de ce monde-là.
    — Lady Ashworth rédige son courrier, mais je suis sûr
qu’elle sera heureuse de vous recevoir, expliqua le valet, tout en la précédant
dans le grand vestibule décoré de portraits de la famille Ashworth, dont
certains remontaient à l’époque élisabéthaine où l’on portait des fraises et des
culottes de soie bouffantes aux rayures multicolores.
    Charlotte opina, connaissant le peu de goût de sa sœur pour
l’art épistolaire. Quand elle apprendrait l’incroyable nouvelle qu’elle avait à
lui annoncer, Emily serait d’autant plus ravie de sa visite.
    Le valet ouvrit la porte du boudoir.
    — Mrs. Pitt, madame.
    Emily se leva et repoussa plume et papier à lettres avant
même que Charlotte eût franchi le seuil. Plus petite et plus blonde que sa sœur,
elle possédait une chevelure soyeuse et bouclée que Charlotte lui enviait
depuis leur plus tendre enfance. Elle s’avança vers elle, se jeta dans ses bras
et la tint serrée contre son cœur, le visage illuminé de plaisir.
    — Quelle bonne idée d’être venue ! Ce courrier m’ennuie
à mourir. J’écris à des cousines de George, alors que je ne peux en supporter
aucune. Vraiment, tu sais, les jeunes bécasses qui sortent pour la première
fois dans le monde cette saison sont encore plus bêtes que celles de l’année
dernière. Et Dieu sait que celles-là étaient écervelées ! Je n’ose songer
à celles de l’an prochain ! Comment vas-tu ?
    Elle recula d’un pas pour examiner sa sœur d’un œil critique.
    — Toi, tu as l’air en trop bonne santé pour être à la
mode. Cette année, les femmes doivent se montrer pâles et fragiles comme des
lis et non fraîches et épanouies comme des roses. Et ne sais-tu pas que cela
fait vulgaire d’avoir l’air si excitée ? Que se passe-t-il ? Attention,
si tu me caches quelque chose, je…
    Ne trouvant pas le châtiment approprié, elle ne termina pas
sa phrase et alla se lover dans la

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