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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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aujourd’hui,
bien sûr, les rideaux étaient tirés et les fenêtres tendues de crêpe noir, avec
une couronne mortuaire sur la porte. L’ensemble produisait un curieux effet d’aveuglement.
    Il ne servait à rien d’atermoyer. Pitt frappa à la porte et
attendit plusieurs minutes avant qu’un valet à l’air morose vînt lui ouvrir. Le
drame qui s’était abattu sur la maison le rendait manifestement mal à l’aise ;
quel degré d’affliction un domestique était-il censé arborer, dans des
circonstances aussi macabres ? Devait-il faire semblant de rien ? Après
tout, que pouvait-il dire ? La fille de cuisine avait déjà donné son congé
et il envisageait d’en faire autant.
    Il ne reconnut pas Pitt.
    — Mrs. Pinchin ne reçoit pas de visiteurs, s’empressa-t-il
d’annoncer. Mais si vous voulez bien me laisser votre carte, je suis sûr qu’elle
acceptera vos condoléances.
    — Inspecteur Pitt, de la police. Je suis en effet venu
pour exprimer ma sympathie à Mrs. Pinchin, mais aussi pour m’entretenir avec
elle. Je crains que cela soit nécessaire, hélas.
    Visiblement pris dans une douloureuse alternative, le valet
ne sut que répondre : était-il plus important de préserver l’intimité d’une
maison en deuil, face à l’intrusion choquante de la police, ou bien d’obéir à
un représentant de la loi, que, sans nul doute, il respectait ?
    — Auriez-vous l’obligeance d’aller chercher le
majordome et de me laisser entrer ? suggéra Pitt avec tact. En restant sur
le pas de la porte, nous allons finir par attirer l’attention des domestiques
du voisinage. On pourrait jaser…
    Le soulagement qui se peignit sur le visage du valet était
presque comique. C’était la bonne solution. Les commérages seraient inévitables,
mais il ne tenait pas à être blâmé pour avoir contribué à les répandre.
    — Oui, oui, monsieur, tout de suite. Si vous voulez
bien me suivre…
    Il fit entrer Pitt dans le grand vestibule qui sentait
légèrement le renfermé, comme s’il n’avait pas été aéré depuis plusieurs jours.
Les miroirs étaient drapés de crêpe noir, à l’instar des fenêtres. Un vase
garni de grands lis blancs était posé sur un socle ; dans ce décor, les
fleurs paraissaient artificielles, bien qu’elles fussent fraîches et qu’elles
aient dû coûter très cher, en cette période de l’année.
    Le valet abandonna Pitt dans un salon glacial, plongé dans
la pénombre. La cheminée n’avait pas été allumée. On aurait dit que les
habitants de cette maison étaient décidés, même si le corps du maître ne
pouvait reposer à son domicile, à faire en sorte que celui-ci conserve la
froideur mortuaire d’un tombeau.
    Mr. Mullen, le majordome, ne tarda pas à apparaître ; ses
cheveux blond roux qui commençaient à s’éclaircir étaient peignés avec soin ;
il arborait une mine décidée.
    — Je suis désolé, Mr. Pitt, fit-il en secouant la tête.
Mrs. Pinchin ne pourra vous recevoir que dans une demi-heure environ. Voulez-vous
prendre du thé ? Avec ce mauvais temps…
    Pitt se sentit tout de suite réchauffé. Il respectait cet
homme qui connaissait son devoir et l’accomplissait avec une rare conscience
professionnelle.
    — Très volontiers, Mr. Mullen, je vous en remercie. Pourriez-vous
m’accorder quelques instants, si vous n’êtes pas trop occupé ?
    — Certainement, monsieur.
    Mullen sonna le valet et le pria d’apporter une théière et
deux tasses. Jamais il n’aurait pris le thé en compagnie d’un gentleman et, s’il
s’était agi d’un livreur, il l’aurait envoyé boire un verre à la cuisine. Mais
il considérait Pitt un peu comme un égal, ce qui, comprit ce dernier, était
très flatteur pour lui. En un certain sens, le majordome règne en maître sur
une grande maison : il peut avoir sous ses ordres plus d’une dizaine de
domestiques. Il arrive parfois qu’il soit plus intelligent et qu’il inspire
plus de crainte au personnel que le propriétaire des lieux.
    — Êtes-vous depuis longtemps au service du Dr Pinchin, Mr.
Mullen ? demanda Pitt pour engager la conversation.
    — Onze ans, monsieur. J’étais auparavant au service de
Lord et Lady Fullerton, de Tavistock Square.
    Pitt aurait bien aimé connaître la raison pour laquelle cet
homme avait abandonné un emploi certainement plus lucratif dans une meilleure
maison. Il n’osa pas le lui demander, de peur de l’offenser. Une telle question,
outre son

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