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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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et celui de
dame Violante marchant côte à côte. Le palais s’était empli de graves
vieillards bavardant avec volubilité ou discutant avec véhémence, mais qui se
taisaient à l’approche du quatuor ; les dos se courbaient à son passage. Les
conversations reprenaient dès qu’il s’éloignait. L’effet d’ensemble, à présent
que le deuil était général, était celui d’une bande de corbeaux croassants. Des
regards féroces détaillaient l’homme qui aurait dû marcher à la suite de la
dame, et non cheminer à sa hauteur.
    Les portes de la salle du conseil s’ouvrirent devant le
couple, puis se refermèrent sur la pièce silencieuse.
    Le duc était assis, absorbé dans ses pensées, son grand fauteuil
sculpté tourné de biais à l’extrémité de la longue table, le bras posé sur le
tapis turc aux rouges et bleus profonds qui la recouvrait. Son secrétaire rassembla
des parchemins et divers papiers, puis fixa non sans difficulté sa corne à
encre à sa ceinture. Une coupe de vin pleine était posée devant le duc.
    Adossé au mur, près de la fenêtre, et regardant son frère
avec un air préoccupé, se tenait le seigneur Paolo.
    À côté de lui, sur le banc de fenêtre garni de coussins, était
assis son fils Tebaldo qui ne cessait de changer de position pour tenter de soulager
ses douleurs. Père et fils ainsi rapprochés, un air de famille et des différences
étaient nettement discernables ; Tebaldo avait hérité de son père le pli
mélancolique de la lèvre supérieure et son visage exprimait cette tristesse des
gens sans cesse tourmentés par la maladie. Le seigneur Paolo ouvrit grands les
yeux de surprise en découvrant qui escortait sa nièce.
    La rêverie du duc prit fin sitôt qu’il réalisa que sa fille
était arrivée. Il se leva d’un bond et alla au-devant d’elle pour l’étreindre. Tebaldo
garda les yeux fixés sur Sigismondo, qu’on n’avait pas annoncé et dont il ne s’expliquait
pas la présence.
    Dame Violante, toujours emprisonnée dans les bras du duc, se
tourna vers Sigismondo.
    — D’après cet homme, Leandro Bandini prétend que je l’aurais
invité, moi, et en secret, à venir au palais.
    Le duc poussa une exclamation.
    — Quelle insolence ! fit son frère en s’avançant
de quelques pas.
    La colère rendait encore plus frappante sa ressemblance avec
le duc.
    — J’espère que le bruit ne s’en est pas répandu. Les gens
racontent de telles inepties. Quelqu’un d’autre a-t-il entendu ce racontar ?
    — Personne d’autre que cette dame, seigneur, et moi-même.
    — Vous avez parlé au jeune Bandini ?
    Sigismondo s’inclina, et Paolo, après lui avoir jeté un long
regard scrutateur, se tourna vers sa nièce.
    — C’est peut-être Di Torre qui se sera servi de votre
nom pour tromper ce garçon. N’oublions pas que la terrible querelle qui oppose
leurs deux familles est peut-être à l’origine de tout cela.
    La voix furieuse du duc se fit entendre.
    —  Par les ossements de tous les saints, je leur
ferai payer le désordre qu’ils causent ! Si preuve est faite que c’est
bien une manigance de Di Torre, il a signé son arrêt de mort. Je n’arrive
pourtant pas à croire que ce Di Torre ait tué la duchesse, même pour détruire Bandini.
En est-il capable ?
    Il paraissait se poser la question à lui-même plus qu’à son
auditoire, mais Paolo lui répondit, comme à contrecœur, en secouant la tête.
    — Quand ils veulent se venger, les hommes ne reculent
devant rien. Ils ne voient que le but qu’ils poursuivent. Le passé nous en
fournit de nombreux exemples  – c’est comme si quelque sortilège les aveuglait.
Si le fils Bandini est innocent, alors le coupable est certainement Di Torre.
    Le duc avait écouté son frère, mais à présent son regard de
faucon se tourna vers Sigismondo dont, malgré son silence, la présence se
faisait sentir avec force dans la pièce.
    — Avez-vous retrouvé le nain ?
    — Je l’ai retrouvé, mon seigneur, et j’ai récupéré l’argent
à rendre à l’orfèvre.
    — On sait donc quel est le nain qui a dérobé la bague ?
Je croyais que le bijoutier avait été incapable de le reconnaître parmi ses
semblables. Lequel était-ce ? Aurait-il tué la duchesse pour la voler ?
    Paolo s’était approché de son frère et tous deux, à la fois
si semblables et si différents, regardaient Sigismondo.
    — C’est Poggio, seigneur, celui que vous avez banni, qui
a volé la bague.

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