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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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ce qu’on appelle un cul-de-sac, non ?
    Sigismondo rassembla les rênes et piqua les flancs du bai.
    — C’est ce qu’on verra, mon Benno. Et maintenant, respecte
ton vœu de silence. Tu as suffisamment parlé pour les quatre prochains jours.
    La veuve, son valet et son chien reprirent leur chevauchée
en direction de Castelnuovo.

 
CHAPITRE XII
« Pas de temps à perdre »
    Au premier abord, la portière de la maison des bénédictines
de Castelnuovo ne fut guère émue à la vue de nos deux voyageurs ; mais le
récit des infortunes qu’elle entendit à travers la grille déclencha l’ouverture
précipitée de la poterne, et elle dut prêter le bras à la grosse femme
emmitouflée dans ses voiles et manteau qui ne franchit qu’avec difficulté le seuil
surélevé.
    Désirant se rendre utile, son benêt de valet ne fit que la faire
trébucher. La femme était malade, épuisée, elle était en pèlerinage lorsque des
brigands l’avaient attaquée, après quoi son escorte l’avait abandonnée avec pour
seule compagnie ce pauvre idiot qui ne comprenait que les chevaux. L’homme
béait et ses yeux, de toute évidence, ne transmettaient rien à son cerveau.
    On l’envoya aux écuries, accompagné d’une sœur converse au
cas où il se perdrait, et aussi pour se porter garant de lui.
    Quant à la veuve, dont l’allure s’avérait certes imposante
maintenant qu’elle avait relevé son capuchon, elle avait grand besoin d’attentions.
Sa corpulence ne lui avait pas permis d’endurer sans dommage les épreuves qu’elle
avait affrontées. Sitôt qu’elle l’aperçut, elle s’effondra dans la chaise de la
portière et se carra contre le dossier, les yeux révulsés, les lèvres entrouvertes,
prête à défaillir, une main pressée sur la poitrine. Elle relevait plus de l’infirmerie
que de la chambre d’hôte.
    — Mère Luca, l’infirmière, est à none pour une demi-heure,
mais elle viendra vous voir avant vêpres. Cette sœur va vous conduire à l’infirmerie,
où l’on s’occupera de vous jusqu’à ce que mère Luca revienne de la chapelle. Elle
sera informée de votre arrivée dès que none sera finie.
    Reconnaissante, la veuve sourit avec effort et murmura de
rauques remerciements. La portière la regarda s’éloigner dans la grande cour en
prenant appui sur sœur Rosa, confiante dans ses robustes bras musclés par des
années de jardinage au potager et la manipulation de lourdes robes de laine à
la buanderie. Dans un cliquetis de clés, la portière se rassit sur sa chaise, respirant
le parfum musqué qu’avait laissé derrière elle la veuve, et réprimant de bien
temporelles spéculations au sujet du gentilhomme vénitien qui avait eu l’audace
de la prendre pour femme, et dont il n’était guère surprenant qu’il ait
succombé.
    L’infirmerie était d’une taille en rapport avec une institution
aussi connue et aussi bien financée que l’était le couvent ; il y avait d’abord
la chapelle, d’où provenait l’écho de chants religieux. Sœur Rosa expliqua que
sœur Benedicta était très malade et que l’on priait en permanence pour elle, puis
aida la veuve épuisée à traverser le long dortoir. Les chants étaient clairement
audibles par la fenêtre donnant sur la chapelle.
    — Ainsi les malades bénéficient-ils de la Sainte Présence,
dit sœur Rosa.
    De la fumée d’encens entrait aussi par la fenêtre.
    — Quel confort ! murmura la veuve.
    Elle jeta un coup d’œil aux hauts murs de pierre et aux lits
entourés de planches qui leur conféraient une ressemblance frappante avec des
cercueils, utile memento mon pour les malades.
    — Je n’aurai pas à m’éloigner beaucoup quand je voudrai
dire des prières pour l’âme de mon cher mari…
    La sœur assistant l’infirmière s’approcha d’elles tandis que
la veuve poursuivait ses murmures.
    — … et remercier Dieu de m’avoir fait toucher un tel
havre de gentillesse après les tourments que j’ai endurés.
    La sœur prit la veuve sous son aile avec une attention
respectueuse. C’était là une femme solide, à tous les sens du terme. La veuve s’arrêta
un instant pour regarder l’immense crucifix accroché au mur et ses lèvres se
mirent à remuer en silence.
    On l’escorta jusqu’à une petite chambre privée convenant à
son rang. Là encore, rien de superflu : une étroite banquette entourée d’un
rideau, et, à côté, une petite table de bois brut pour poser chandelle, livre

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