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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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d’œil prudent au-dehors. À la vue d’Angelo,
elle faillit faire demi-tour, mais, constatant qu’il était en paisible conversation
avec la maîtresse de maison et l’affreux colporteur, la curiosité et l’absence
de cadavre la firent sortir tout à fait dans le hall. En ce jour de couteaux, elle
aussi s’était réarmée. Une forte odeur de plumes brûlées l’accompagnait, qu’expliquait
la vision, par la porte ouverte, de la fille de cuisine étendue à même le sol
de pierre, et qui semblait ne pas réagir aux efforts de la servante. Angelo
avait lui aussi ses priorités, et il avait préféré s’occuper de Benno avant de
songer à se débarrasser de la fille. C’était flatteur, et Benno était heureux d’être
encore en vie pour l’apprécier.
    La veuve, femme de tempérament serein autant que de bon sens,
les invita tous à la suivre à l’étage. On envoya Benno à la cuisine avec la
cuisinière afin de porter la bonne nouvelle que personne n’avait été ni n’allait
être assassiné, et avec l’ordre de monter du vin, ce que la servante, tout à l’heure,
avait été empêchée de faire.
    À la cuisinière échut la tâche plus délicate de prévoir à
manger pour cinq convives supplémentaires, alors même qu’une servante
hystérique essayait de ramener à elle son assistante au milieu des tranches de
chou et de porc cru. Cependant, comme l’avait montré son apparition armée dans
le hall, la cuisinière était une femme courageuse et déterminée. Il s’avéra que
le vinaigre était un plus sûr moyen de réanimation que la plume brûlée, et le
résultat fut complété par de vigoureuses claques sur les joues, assenées par
des mains habituées à manipuler d’énormes casseroles. La cuisinière retrouva
ainsi son assistante, même si, tout excitée, celle-ci montra quelque réticence
à ramasser le chou et le porc, et une propension à parler sans arrêt du beau
diable qui l’avait presque tuée.
    Quand il porta le vin à l’étage, Benno dégageait toujours
une odeur d’écurie, à laquelle se mêlaient une pointe de celle s’exhalant du
sac qu’il avait lâché au cours de sa fuite, et, bien entendu, la sienne propre ;
dans le salon du haut, Angelo, avec une grâce qui lui était aussi naturelle que
le lancer de couteau, lui prit le plateau des mains, distribua les verres et
servit le vin.
    Avec regret, mais sur un signe de tête de son maître, Benno
redescendit à la cuisine, où il découvrit Biondello, couvert de plumes blanches
et dégageant une puissante odeur faisandée. Il avait trouvé le sac de Benno
dans la cour.
    En haut, la fête si curieusement engagée commençait à s’échauffer.
Il y avait du soulagement dans l’air, le soulagement qui vient après la
bataille, quand on réalise que la mort vous a épargné. La belle-sœur, qu’on
avait réussi à faire sortir de sa transe de prières, s’était assise et émettait
de temps à autre un petit hoquet, sans lâcher la main de la jeune fille qu’elle
prenait pour une nonne, et sans quitter des yeux le visage de l’ange tombé du
ciel pour venir s’asseoir en face d’elle. Quelque part dans son esprit germait
peu à peu l’idée qu’elle pourrait bientôt, peut-être avant la fin du printemps,
repartir en pèlerinage. À cette occasion, il n’était pas question qu’elle reste
assise bêtement dans son coin pendant que les autres pèlerins raconteraient
leurs histoires. Désormais, elle aussi en avait une bonne à raconter !
    La veuve, même si elle estimait de plus en plus avoir droit
à une explication des événements mouvementés survenus au cours de la dernière
demi-heure, parvint à ne rien demander, et but beaucoup de vin.
    Peut-être ne connaîtrait-elle la vérité que plus tard, dans
l’intimité de la nuit. Cette dernière pensée la ragaillardit et elle fut
heureuse de voir que Benno avait apporté plusieurs bouteilles. À sa demande, Angelo
se leva et remplit les verres de chacun. Ses cheveux brillaient dans le
crépuscule qui tombait, et ses gestes étaient suivis par le regard rêveur de la
belle-sœur. La veuve sourit et consacra son attention au récit conté par Barley
et enjolivé par Hubert  – s’était-il réellement fait appeler Martini  ? –,
qui relatait quelque incroyable embuscade à laquelle les deux hommes, ainsi que
son propre mari, avaient survécu. Les hommes étaient partout les mêmes, et l’on
ne pouvait que se féliciter que certains d’entre eux

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