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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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noix, chaque buveur son verre. Sigismondo s’installa dans le grand fauteuil
sculpté tandis que Barley s’allongeait sur une banquette vénitienne. Angelo se
coucha en chien de fusil sur la peau de loup étendue à terre, et Benno s’adossa
au montant de pierre de la cheminée à côté de Sigismondo. Il se mit à casser
des noix à l’aide du pique-feu, tandis que Barley les brisait dans son poing
fermé. Pendant que le silence s’instaurait peu à peu dans la maisonnée et qu’ils
grignotaient des noix en buvant leur vin, ils entendirent le cri de chasse d’une
chouette volant dans la nuit. Barley, tout en se retournant pour lancer des
coquilles de noix dans le feu, s’adressa à Sigismondo :
    — Il y a trop de choses que tu as laissées dans l’ombre.
Tu as entendu le récit d’Angelo. Tu sais pourquoi je suis ici  – le duc
veut ta mort. Pourquoi ? Qu’as-tu fait ?
    — Est-ce le duc en personne qui t’a dit qu’il voulait ma
mort ?
    — Non, je l’ai su de la bouche du seigneur Paolo.
    — Hum, hum. Et pourquoi t’avoir choisi, toi ?
    — Qui pourrait m’égaler ?
    Barley se redressa et bomba le torse en souriant dans sa
barbe.
    — Il m’a vu faire mon numéro devant le festaiuolo. Je
suis reconnaissable entre mille.
    — Entre mille nains, oui, fit Angelo en roulant sur le
côté pour éviter le coup de pied de Barley.
    — Le seigneur Paolo a organisé les réjouissances pour
le compte de la duchesse. Il nous a vus proposer nos numéros, ensuite il est
venu nous voir répéter et a fait quelques suggestions ; pas mauvaises, d’ailleurs,
pour un amateur. Les gens du palais disent que c’est bien son genre. Ils le
considèrent comme un saint et quand il mourra, je ne serais pas étonné qu’ils
le découpent en morceaux pour s’en faire des reliques.
    — Trop bon pour être honnête ?
    Sigismondo fredonna comme pour désapprouver sa propre
remarque, et Barley agita l’index dans sa direction.
    — Son frère lui est aussi cher que sa propre vie. Tout
comme ce fils handicapé qu’il adore. Il serait capable de tuer pour lui. Chaque
fois que ce garçon pose le pied par terre, c’est comme s’il broyait le cœur de
son père.
    — Tu es un poète, Barley. Mais il est vrai que les Anglais
passent pour une race de poètes…
    Benno rentra la tête dans les épaules et laissa tomber sa
noix dans les cendres lorsque son maître saisit le poignet de Barley qui
tentait de le prendre à la gorge. Il se détendit en entendant Sigismondo
éclater de rire.
    — Un Écossais, un Écossais ! Les Anglais ne sont que
des rimailleurs, seuls les Écossais sont de vrais poètes !
    Sigismondo écarta la main de Barley et celui-ci se rallongea.
    — Ainsi, le seigneur Paolo et le duc me considèrent comme
un traître. Me prennent-ils pour un agent du duc Francisco ?
    — L’es-tu ? Par Dieu, dans ce cas, les jours du
duc Ludovico sont comptés.
    Sur quoi Barley partit d’un grand rire et, pointant sa barbe
au plafond et à ses poutres peintes, enfourna une poignée de noix dans sa
bouche.
    — Comment es-tu arrivé à Rocca ?
    — Je suis venu y chercher du travail, comme toi, mon
cher Écossais. J’avais autrefois rendu un service au duc, et il avait
suffisamment confiance en moi pour me demander d’éclaircir les circonstances de
la mort de la duchesse.
    — Dans quel but ? Le fils Bandini est l’agneau du
sacrifice si le duc est l’assassin. T’a-t-on engagé pour faire croire que les
choses se sont passées différemment ?
    Les petits yeux de Barley examinèrent Sigismondo avec
attention, et Angelo se retourna lui aussi pour l’observer. Tendant son verre à
Benno, Sigismondo fredonna.
    — Je ne peux pas encore vous le dire. Dans cette affaire,
ajouta-t-il en tendant l’autre main et en la refermant dans le vide, j’ai
souvent l’impression que j’essaie d’attraper un nuage.
    Il se pencha en avant et posa sa main sur la cuisse massive
de Barley.
    — Une seule chose est sûre : de ce nuage il
pleuvra bientôt du sang.
    Il se tut un instant et regarda tour à tour Angelo, Benno, puis
de nouveau Barley.
    — Nous partirons pour Rocca à l’aube.

 
CHAPITRE XVI
« Quel genre de fortune ? »
    — Tu veux notre mort à tous ?
    Les yeux fixés sur Sigismondo, Barley écrasa une poignée de
noix dans sa paume et tapa du poing sur son genou pour souligner ses propos.
    — Rocca ? Regarde Angelo : il s’est teint les
cheveux et a tué le coquin

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