Mort d'une duchesse
peut-être encore plus important, son argent sont à la disposition de
Francisco.
— De quel genre de fortune Bandini dispose-t-il ?
Sigismondo eut un fredonnement respectueux.
— Du genre qu’on prête aux papes.
Barley émit un sifflement.
— Et tu proposes, mon cinglé de Martin, de te déguiser
en rat, de t’introduire dans les prisons du palais et de ronger les liens du
fils Bandini ?
Son regard s’aiguisa.
— Il y a une récompense à la clé, pas vrai ? Bandini
crachera bien quelques ducats pour pouvoir à nouveau serrer son fils et
héritier dans ses bras.
— Je savais bien que tu m’accompagnerais, fit Sigismondo
en vidant son verre.
CHAPITRE XVII
« Un ami de l’amour sincère »
En raison des préparatifs nécessaires, la petite cavalcade
ne quitta la villa Costa que peu après l’aube. La blanche brume de printemps
qui noyait la vallée s’étendant au pied de la maison les enveloppa d’un fantomatique
voile de silence. Benno, qui serrait sous son pourpoint un Biondello tiède, somnolent
et repu, anticipait avec confiance les événements à venir. La conversation de
la veille lui avait appris que l’avenir recelait de nombreux dangers pour eux
tous, y compris lui-même, mais sa confiance en Sigismondo n’avait été en rien
entamée. Preuve en était la présence parmi eux de dame Cosima, qu’il avait su
retrouver alors que nul ne savait où la chercher, et qu’il avait sortie d’une situation
impossible. Benno avait vu dans une église une fresque représentant un ange, le
doigt sur les lèvres, libérant saint Paul de sa prison, et même si Sigismondo
faisait un ange un peu trop massif et démoniaque, Benno était certain de lui
voir opérer le même miracle au bénéfice de Leandro Bandini.
La villa Costa s’était vidée, sauf des serviteurs et de la
belle-sœur, qui payait à présent son excès de vin de la veille, au point qu’elle
eût accueilli avec gratitude les trompettes du Jugement dernier si elles
avaient pu mettre un terme à sa douloureuse migraine. Elle n’avait pas été en
état de remarquer que la veuve Costa, venue lui rendre visite à l’aube, avait
quitté ses vêtements de deuil pour la première fois depuis la mort de Federico ;
pas plus qu’elle n’aurait reconnu la jeune nonne de la veille dans les
vêtements que ne mettait plus la fille de la veuve. Si elle avait cherché le
beau visage d’Angelo parmi le groupe qui s’apprêtait à se mettre en route, elle
aurait été abasourdie de le découvrir encadré de tresses blondes ornées de
rubans lilas à hauteur des oreilles. Angelo portait une robe longue, que la
veuve avait conservée pour des raisons sentimentales car elle avait autrefois
vêtu son corps plus jeune et plus mince, et qui, même si elle n’était plus à la
dernière mode, lui seyait à ravir. Le jeune homme serrait avec modestie les
plis de son voile sur sa plate poitrine.
La veuve, aussi digne en velours mûre qu’elle l’était en
noir, se faisait passer pour sa propre sœur, accompagnée de sa fille et de sa
femme de chambre, en route pour sa résidence citadine de Rocca. Des membres de
la famille y effectuaient des séjours irréguliers et, l’intendant étant fort
judicieusement décédé deux mois auparavant, le personnel avait été renouvelé et
aucun de ses membres n’avait jamais vu la sœur de la veuve. Celle-ci emmenait
avec elle deux serviteurs : un semi-idiot portant le petit chien de sa
maîtresse, et une grande brute encapuchonnée dont le menton rasé de frais
paraissait enflammé ; à côté d’elle enfin, quand le chemin le permettait, chevauchait
son chapelain, le capuchon rabattu sur son crâne rasé, l’air grave, lisant son
bréviaire avec une attention dévote.
Pris de court par l’arrivée inopinée de ces hôtes, le nouvel
intendant de la veuve Costa fut frappé par la ressemblance de la sœur avec la
veuve. La lettre qu’elle lui remit, munie de son sceau, ne fut guère nécessaire
pour prouver son identité et, avec une respectueuse obéissance, il lui souhaita
la bienvenue et envoya sa petite famille aérer les matelas, suspendre les
rideaux de lit, allumer les feux et préparer les viandes pour le dîner. La
fille de dame Donati garda son visage voilé devant l’intendant, comme il sied à
une jeune fille de bonne famille, mais comme ses traits ne craignaient sûrement
pas la comparaison avec ceux de sa femme de chambre Angela, ils devaient,
songea-t-il, être tout
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