Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
Vom Netzwerk:
la glissa dans sa tunique de cuir
malpropre.
    — Mais pas plus de quelques minutes, et c’est bien parce
que Piero aime les amoureux.
    Son gloussement exhala des miasmes d’ail et de dents
pourries jusque sous les voiles de Cosima, qui sentit son estomac se soulever. Surtout,
je ne dois pas vomir. Elle était trop innocente pour imaginer que son spasme
et sa déglutition involontaires confirmaient aux yeux de Piero ce qu’Angelo lui
avait dit à mots voilés de l’état de Cosima.
    — Madame.
    La main d’Angelo, fine et dure, se faufila sous son bras et
l’aida à marcher à la suite du geôlier, qui s’était retourné et s’enfonçait
dans l’obscur passage.
    — Fort bien ; dans un moment, vous verrez votre bien-aimé.
    « Mon bien-aimé ! Mon ennemi mortel, oui ! Que
dirait mon père ? » Ces pensées résonnaient dans son crâne tandis qu’une
clé tournait dans la serrure d’une énorme porte basse. Le geôlier leva sa
lanterne pour jeter d’abord un coup d’œil à travers le judas, et lorsque la
porte s’ouvrit dans un gémissement, il s’écria avec une horrible jovialité :
    — Un petit oiseau vient vous voir, maître Bandini !
Un petit oiseau d’amour !
    Angelo aida Cosima à franchir le seuil. Le moment était
arrivé. La silhouette qui s’était levée du grabat de paille se tenait debout
devant elle. Cosima perçut son ahurissement. Avec vaillance, elle accomplit ce
que Sigismondo lui avait fait répéter : elle s’avança, rejeta ses voiles
en arrière et écarta les bras. Ils se refermèrent sur les épaules du jeune
homme, le premier qu’elle ait jamais touché, et elle pressa sa joue contre une
joue rugueuse tout en lui chuchotant d’un ton pressant à l’oreille :
    — Faites comme si vous me connaissiez. Si vous voulez
vivre, répondez à ce que je dis.
    Elle sentit une brusque tension dans le corps qu’elle enlaçait,
une respiration profonde. Puis des mains lui saisirent les épaules.
    — Mon amour ? dit-il tout haut.
    Cosima posa le front sur son épaule. Elle entendit la voix d’Angelo.
Le prisonnier la serra contre lui à l’étouffer.
    — Mon amour ! répéta-t-il. Tu es venue  – tu
es enfin venue !
    Et, ignorant qu’il tenait Cosima Di Torre entre ses bras, Leandro
Bandini l’embrassa avec fougue.
    Cosima, qui, elle, savait très bien qu’elle se faisait embrasser
par un Bandini, oublia presque aussitôt ce détail. Ses lèvres lui semblèrent
établir un rapport jusqu’alors inconnu avec le reste de son corps. Si c’était
cela, être embrassée par un jeune homme, alors elle comprenait pourquoi on
interdisait la chose aux filles non mariées. Elle rendit le baiser avec enthousiasme.
Quand les bras de Leandro la serrèrent encore plus fort, elle se rappela
soudain qui elle était et dans quelle situation elle se trouvait. Rougissant
violemment, horrifiée, elle tenta d’échapper à l’étreinte, mais tous deux
tombèrent à terre. Le geôlier avait posé sa lanterne sur le seuil et conversait
à voix basse avec Angelo ; un rayon de lumière éclaira le couple assis dans
la paille, jetant une clarté dorée qui permit à chacun d’admirer le visage de l’autre.
Cosima fut stupéfaite de découvrir qu’un Bandini pouvait être aussi beau ;
son imagination l’avait préparée à un visage enlaidi par des générations de
bassesse. Quant à Leandro, il trouva tout à fait normal que l’être accouru pour
le sauver ressemblât à un ange du paradis.
    — Madame, fit Angelo en se penchant, tresses ballantes,
vers eux, interceptant la lumière à leur grande déception. Nous devons partir ;
mais nous reviendrons avec un prêtre. Piero est d’accord pour vous laisser vous
marier.
    — Nous marier !
    Le sursaut et le cri de Leandro déclenchèrent un gloussement
gras de la part du geôlier.
    — Elles finissent toujours par vous avoir, mon ami, même
au pied de l’échafaud.
    — Leandro chéri…
    Comme ce prénom résonnait étrangement dans sa bouche ! Elle
baissa la tête avec modestie et parvint à articuler les paroles qu’elle avait
répétées, tout en souhaitant pouvoir disparaître sous terre :
    — … c’est dans l’intérêt de l’enfant.
    Leandro lui prit les mains et se pencha pour les baiser, mais
aussi, plus probablement, pour dissimuler la stupéfaction qu’elle avait vu se
peindre sur son visage.
    Cosima estima qu’il était dans son rôle de se pencher à son
tour pour embrasser les cheveux

Weitere Kostenlose Bücher