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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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demandede l’Empereur : pelisse noire, dolman blanc à tresses d’or et bordure fourrée, large pantalon, shako écarlate à plume de héron. Je portais avec fierté le sabre de Murat. Nos chevaux avaient été choisis avec soin et leur robe lustrée. Le mien était un arabe gris-blanc à crinière flottante doté d’une selle recouverte d’une peau de panthère et galonnée d’or. Il arrivait que les magasins d’habillement fissent des miracles…
    Lejeune m’avait placé près d’un jeune lieutenant, Alfred de Noailles. En chevauchant de Chamartin à Madrid, ayant appris que nos villages d’origine n’étaient séparés que d’à peine une journée de cheval, il m’avait parlé de sa carrière et du désir qu’il avait de faire honneur à une famille illustre.
    La revue se déroula sous un soleil resplendissant. Je pus à cette occasion mesurer le degré de versatilité des Madrilènes, comparable, je suppose, à celle des autres villes du royaume et d’ailleurs. Des hommes agitaient leur chapeau, des femmes nous envoyaient des sourires et des fleurs, des vivats montaient de partout et tombaient des fenêtres. L’ennemi de la veille était devenu un ami. J’ai vu des hommes pleurer en écoutant nos fanfares.

    L’après-midi, au château de Chamartin où ronflaient toutes les cheminées, je crus que ma destinée allait prendre un tour différent de celui que j’avais imaginé.
    Au cours d’une réception à laquelle l’Empereur avait invité des notables madrilènes, je fus mis en présence d’une dame de bonne extraction : la condesa Carla, dont je me dois de taire le nom de famille.
    Veuve depuis quelques mois d’un officier commandant un convoi à l’intention des insurgés de Saragosse, elle me fit comprendre, entre deux coupes de valdespino, qu’elle supportait mal sa solitude. Elle s’était isolée sur la terrasse baignée de soleil, un verre dans une main, un puro dans l’autre.
    Je ne trouvai pour l’aborder qu’une banalité :
    –  Discúlpame, señora. ¿ Habla francès ?
    Elle me répondit en souriant :
    – Un peu mieux, capitaine, que vous ne parlez notre langue.
    Elle interrompit mes effusions lyriques sur la beauté du paysage, le temps printanier, l’immensité du parc, pour me demander qui j’étais et à quel corps j’appartenais. Je lui donnai satisfaction.
    – Mais vous-même, señora  ?
    Elle ne fit pas mystère de son identité et de sa condition. Je lui parlai de Saragosse et du martyre de cette ville où son défunt mari avait de la famille dans la vannerie. Elle ajouta d’une voix ferme :
    – Si l’Empereur compte se rendre maître de cette ville, il se fait des illusions. Saragosse ne s’est jamais rendue. Ces Aragonais n’ont pas le cœur dans leurs chausses, vous avez dû vous en rendre compte.
    Elle me proposa un puro et me tendit le sien pour l’allumer. Il me changeait du mauvais tabac que je fumais dans ma pipe de terre.
    Je m’accoudai près d’elle à la balustrade et lui avouai que je partageais son avis.
    – Ce siège était inutile, j’en conviens. Des milliers de morts de part et d’autre, une population accrochée à son indépendance… Tout cela pour rien ! Nada !
    – Croyez-vous, me dit-elle, que votre Empereur restera sur cet échec ? Ce ne serait pas conforme à sa nature.
    – Je crains que non, et j’ai du mal à me faire à cette idée, au point d’espérer une bonne blessure qui me ferait rapatrier. Cela entre nous, señora …
    – Puis-je savoir ce qui vous pousse à cette confidence, capitaine ?
    Cette question, posée d’un air mutin, me mit dans l’embarras. Elle faillit éclater de rire quand je bredouillai :
    – Une simple envie de parler à qui me changerait de mes interlocuteurs habituels. Et puis… vous m’inspiriez confiance.
    – Allons, allons, capitaine Barsac, parlons franc et ne me prenez pas pour plus naïve que je ne suis ! Vous aviez une autre idée en tête en m’abordant, n’est-ce pas ?
    Je me contentai de sourire, d’observer un silence éloquent et, lui prenant la main, je repoussai le bord de son gant pour baiser son poignet. Elle ne s’offusqua pas de mon audace.
    La comtesse Carla était, sans conteste, l’une des plus belles créatures de cette assemblée. J’avais remarqué le manège de certains officiers, notamment d’Alfred de Noailles, qui s’empressaient autour d’elle et avaient dû lui suggérer cette retraite sur la terrasse.
    Je m’apprêtai à

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