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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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janvier 1794 est glacial. Le mistral souffle, tailladant le visage. La guerre et la terreur s’étendent. En Vendée, les « colonnes infernales » du général Turreau dévastent le pays et massacrent. À Paris, les luttes de factions s’intensifient, Saint-Just et Robespierre frappent les « enragés » – Jacques Roux – et les « indulgents » – Danton.
    Souvent Napoléon regarde depuis le sommet d’une forteresse vers le large. Il lui a semblé à deux ou trois reprises, à l’aube, apercevoir la Corse. Pascal Paoli, le 19 janvier, a appelé les Anglais à y débarquer et ils ont commencé à s’installer dans le golfe de Saint-Florent.
    Paoli n’est plus un centre. Le système tourne autour de la Convention, du Comité de Salut Public et de Robespierre, qui en est la force d’impulsion.
    Napoléon rencontre souvent Augustin Robespierre, le frère de Maximilien, représentant en mission auprès de l’armée d’Italie. Mais il écoute plus qu’il ne parle. Augustin Robespierre voudrait connaître son jugement sur les événements politiques. Napoléon, le visage figé, murmure entre ses dents qu’il est aux ordres de la Convention.
    C’est Augustin Robespierre qui lui apprend que Lucien Bonaparte – « votre frère, citoyen général » – est un Jacobin prononcé. Sur la proposition de Lucien, Saint-Maximin a pris le nom de Marathon. Lui-même a changé son prénom en Brutus ! Voici ce qu’il a écrit à la Convention, dans les premiers jours de janvier 1794, après la prise de Toulon.
    Augustin Robespierre tend à Napoléon une feuille. Napoléon lit sans qu’un seul des plis de son visage bouge :
     
    « Citoyens Représentants,
    « C’est du champ de gloire, marchant dans le sang des traîtres, que je vous annonce avec joie que vos ordres sont exécutés et que la France est vengée. Ni l’âge, ni le sexe ne sont épargnés. Ceux qui n’avaient été que blessés ont été dépêchés par le glaive de la liberté et par la baïonnette de l’égalité.
    « Salut et admiration,
    « Brutus Bonaparte, citoyen sans culotte. »
     
    Napoléon rend le feuillet à Augustin Robespierre. Il devine que le frère de Maximilien le scrute et attend un commentaire. Mais Napoléon ne dira rien de ce jeune fou de Lucien qui n’a pas compris que les systèmes changent, et qu’il faut, tant qu’on n’est pas le centre de l’un d’eux, se tenir prudemment sur ses gardes.
    Que n’a-t-il vu Louis XVI, le souverain du plus grand des royaumes, coiffer le bonnet rouge, trinquer avec ses anciens sujets, puis, le 10 août 1792, s’enfuir comme un coglione  ?
    Qui peut dire que Robespierre, demain, ne connaîtra pas le même sort ? Si vertueux, énergique et impitoyable soit-il.
    Augustin Robespierre plie le feuillet.
    Il a l’intention, dit-il, en accord avec les autres représentants en mission, Ricord et Saliceti, de nommer commandant de l’artillerie dans l’armée d’Italie un général qui a fait ses preuves et dont les sentiments jacobins et révolutionnaires sont prouvés.
    Napoléon reste impassible.
    — Vous, citoyen Bonaparte.
     
    La nomination à l’armée d’Italie est intervenue le 7 février 1794, et il a suffi de quelques jours pour que Napoléon sente les regards jaloux, presque haineux, des envieux. Un général qui n’a pas vingt-cinq ans, à la tête de l’artillerie de toute une armée ! Nomination politique, insinue-t-on. Bonaparte est robespierriste.
    À Nice, en pénétrant dans les pièces qu’occupe près du port le général Dumerbion, Napoléon entend et devine ces insinuations.
    Le général Dumerbion a le visage las, les traits tirés. Il fait asseoir Napoléon, l’interroge.
    — Ce citoyen Robespierre…, commence-t-il.
    Napoléon ne répond pas, laisse Dumerbion s’enferrer, expliquer enfin qu’il est malade, souffre d’une hernie qui l’empêche de monter à cheval, et qu’il donne à Napoléon carte blanche. Il s’agit de remettre en état l’artillerie et d’établir des plans de bataille. Il faut repousser les armées sardes qui tiennent les villes du nord-est du comté de Nice, vers Saorge et le col de Tende. Il faudrait aussi les faire reculer sur la côte, au-delà d’Oneglia.
     
    S’organiser. Travailler. Agir. Napoléon, d’une voix sèche, a donné ses ordres à Junot et à Marmont, puis il parcourt la ville.
    Sur l’une des places, dont il distingue encore l’ancienne appellation – place

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