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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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croit-il ? Que je suis disposé à le recevoir, comme un prisonnier auquel on impose ce que l’on veut ?
    Tout ce qu’il sait de cet homme le lui rend détestable. Il lui semble qu’on l’a choisi pour l’humilier. Hudson Lowe a combattu à Toulon, comme tant d’officiers anglais. Mais il a participé au siège de Bastia. Il a même logé dans la maison des Bonaparte à Ajaccio. Puis il a pris la tête d’un régiment de Corses qui avaient choisi le parti anglais, comme Pascal Paoli. Et, avec ces Corsican Rangers , il a combattu en Égypte.
    Napoléon s’approche de l’une des fenêtres et aperçoit cette grande silhouette maigre, ces cheveux roux, ce teint rouge.
    — Il est hideux, c’est une face patibulaire. Une figure d’hyène prise au piège, dit-il à Las Cases.
    Puis, en haussant les épaules, il ajoute :
    — Mais ne nous hâtons pas de prononcer : le moral, après tout, peut raccommoder ce que cette figure a de sinistre ; cela ne serait pas impossible.
     
    Mais non. Il suffit de quelques jours pour s’assurer que ce visage exprime un caractère.
    Qu’est-ce que cet homme-là, qui veut réduire l’espace où je peux me promener, qui me fait espionner, qui ne transmet aucune lettre, qui exige que je réduise le train de ma maison en renvoyant quatre personnes, qui veut restreindre mes dépenses ? C’est un bourreau ! Un homme qui n’a commandé que des déserteurs, corses, calabrais, napolitains, siciliens !
    Il ne me verra pas. Je ne plierai pas devant lui .
    — Il n’est qu’un scribe, comme nous en avons vu passer dans les états-majors, qui n’a jamais rien fait qu’écrivailler et faire des comptes.
    Napoléon accepte de recevoir l’amiral Malcom, qui a pris en charge le commandement de la flotte et de la garnison de Sainte-Hélène. Voilà un véritable officier, et non un geôlier, un bourreau méprisable.
    — J’ai gouverné, et je sais qu’il y a des missions et des instructions qu’on ne donne qu’à des hommes déshonorés. L’emploi qu’on a donné à Hudson Lowe est celui d’un bourreau, commente Napoléon. Il veut m’enfermer. Il veut me réduire à la médiocrité.
    Qu’on vende la vaisselle d’argent après en avoir brisé tous les signes impériaux, qu’on la vende au poids du métal ! Et que cela fasse connaître à l’Europe à quoi m’ont réduit l’Angleterre et son représentant, Hudson Lowe.
    — Il me connaît peu. Mon corps est aux méchants, mais mon âme est libre, elle est aussi fière que si j’étais à la tête de six cent mille hommes et que si j’étais sur mon trône, faisant des rois et distribuant des couronnes.
     
    Et c’est un homme comme Hudson Lowe qui prétendrait savoir qui je veux et dois inviter à Longwood ?
    Napoléon dicte une Remontrance , où il résume tous les griefs contre le sort qui lui est fait. L’Angleterre a violé le droit en le considérant comme prisonnier de guerre, en le déportant sur ce rocher perdu. Là, on le persécute. On lui interdit de correspondre librement.
    — Le spectacle d’un grand homme aux prises avec l’adversité est le spectacle le plus sublime. Ceux qui, dans cette position, manquent à Napoléon, n’avilissent que leur propre caractère et la nation qu’ils représentent, dit-il.
    Il parle calmement. Il ne s’emportera pas. Il ne se laissera pas entamer, même si la colère et le mépris pour Hudson Lowe, pour ces souverains qui le privent de son fils, qui ont détourné l’amour de sa femme, qui l’ont appelé frère et qui maintenant s’entendent pour le tuer lentement l’envahissent.
    — Il faut plus de courage pour souffrir que pour mourir, dit-il en regardant l’un après l’autre ses proches, dont il devine la lassitude, la peur même.
    Il doit les tenir comme une troupe toujours prête à se débander, à être saisie par la panique.
    — L’homme ne marque dans la vie qu’en dominant le caractère que lui a donné la nature, dit-il. Vous m’avez suivi pour adoucir mes peines, comment ce sentiment ne suffirait-il pas pour tout maîtriser ?
    Puis il fait l’inventaire, avec Las Cases, de ce qu’il possède encore en argent, qu’on peut vendre à Balcombe, le propriétaire du domaine des Briars, trop heureux de faire un substantiel profit. On peut aussi obtenir des lettres de change sur des banques anglaises, ou bien à Paris, chez Laffitte. Joseph, installé aux États-Unis, a une fortune considérable. Eugène dispose de quarante millions.

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