[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène
une très belle parade de quarante mille hommes. Le roi et les princes de Saxe y ont assisté. Ce soir, je vais au banquet de la Cour, et après au feu d’artifice. Le temps est heureusement au beau. Ma santé est fort bonne. Je suppose que tu partiras le 17 pour Cherbourg. Je désire que tu t’amuses bien. Tu me diras ce que tu as vu. Adieu, mon amie. Tout à toi.
« Nap. »
Et ce qu’il a prévu survient.
Un envoyé de Caulaincourt, hors d’haleine, annonce que Metternich a déclaré clos le congrès de Prague, le mercredi 11 août à zéro heure. Et Metternich a refusé de prendre connaissance des réponses de Napoléon à ses propositions.
Messieurs de la paix à tout prix, vous faut-il une autre preuve ?
Il se tourne vers Maret.
— Ce n’est pas à la cession d’une portion quelconque de notre territoire ne portant pas atteinte à la force de l’Empire qu’a tenu la question de la paix ou de la guerre. Mais à la jalousie des puissances, à la haine des sociétés secrètes, aux passions fomentées par les artifices de l’Angleterre.
Il fait quelques pas dans le salon.
— Je n’ai pas la nouvelle que l’Autriche m’ait déclaré la guerre, mais je suppose que j’en recevrai la nouvelle dans la journée.
Elle n’arrive que le jeudi 12 août 1813.
Il fustige d’une voix dure mais sans passion les folles prétentions. de l’Autriche et son infâme trahison.
Je suis pourtant l’époux de la fille de l’Empereur, et le roi de Rome est son petit-fils, mais qu’importe à ces gens-là !
Il dicte quelques lignes à Cambacérès : « Je désire que l’Impératrice fasse son voyage à Cherbourg et que ce ne soit qu’à son retour qu’elle apprenne tout cela. »
Puis il prend la plume, ce 12 août, et il dit à Marie-Louise :
« Ne te fatigue pas et va doucement. Tu sais combien ta santé m’est précieuse. Écris-moi en détail. Ma santé est bonne. Le temps est très beau. La chaleur a repris le dessus. Addio, mio bene , deux baisers à ton fils. Tout à toi,
« Nap. »
Ils sauront tous bien assez tôt, tous, elle, mon fils, les Français, que la guerre a recommencé !
13.
Il a quarante-quatre ans aujourd’hui, dimanche 15 août 1813. Il est à cheval sous la pluie d’orage, froide, et il dépasse les colonnes de soldats qui par la porte et le faubourg de Prina quittent Dresde pour marcher vers l’est, vers Bautzen, Görlitz, et ces fleuves de la Spree, la Neisse, la Katzbach, un affluent de l’Oder.
Il reste un moment à l’entrée du pont qui, à la sortie de Dresde, franchit l’Elbe. La nuit est tombée mais l’averse est encore plus drue. Il sent l’eau glisser sur son chapeau, en imprégner le feutre, tremper la redingote. Il grelotte. Tant de fois il a connu cela, sur les rives des fleuves italiens, sur les bords du Rhin, de la Vistule, du Niémen. Que de ponts traversés, de fleuves longés sous l’averse !
Et voilà que cela recommence le jour de ses quarante-quatre ans. Est-ce pour cela qu’il ne ressent aucun enthousiasme ? qu’il est seulement déterminé à se battre, contre le monde entier s’il le faut ?
Il passe le fleuve. Aucune acclamation. Ces soldats avancent tête baissée, noyés par la pluie. Ils ont faim. Une fois encore. Il l’a dit à l’intendant général Daru : « L’armée n’est point nourrie. Ce serait une illusion de voir autrement. Vingt-quatre onces de pain, une once de riz et huit onces de viande sont insuffisantes pour le soldat. Aujourd’hui, vous ne donnez que huit onces de pain, trois onces de riz et huit onces de viande. »
Ils vont marcher et contremarcher, et, en ce troisième jour, alors qu’ils ne se sont pas encore battus, ils se traînent déjà. Berthier et le chirurgien Larrey ont signalé des milliers de malades. Ce temps orageux, avec ces alternances de chaleur et de froid, pourrit les ventres vides et les poumons.
Il s’arrête à Bautzen. Il a remporté ici une victoire, il y a seulement quelques semaines, le 20 mai. À quoi a-t-elle servi ?
Il ne change même pas de vêtements. Il veut examiner les cartes. Il en connaît chaque détail. Et pourtant, il a besoin de les étudier encore. En face de lui, ils sont six cent mille hommes sans doute. Au nord Bernadotte, au centre le Prussien Blücher, avec les Russes, au sud Schlumberger et ses Autrichiens. Au traître Bernadotte, il oppose Oudinot et Davout, ce dernier quittera Hambourg où il tient la ville. Il
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