Napoléon
Napoléon semble toujours vouloir remettre à plus tard la répudiation de Joséphine ! Les deux compères que leurs intérêts avaient rapprochés ont-ils alors pensé à Murat ou à Bernadotte pour succéder à Napoléon ?
L’Empereur ne pouvait évidemment connaître le texte de la dépêche envoyée par Metternich à Vienne le 4 décembre, mais ce que le futur chancelier écrivait ce jour-là à sa cour, peut-être Napoléon, dont la prescience était extraordinaire, le devinait-il, lui aussi : « Deux hommes tiennent en France le premier rang dans l’opinion et dans l’influence du moment, MM. de Talleyrand et Fouché. Jadis opposés de vue et d’intérêts, ils ont été rapprochés par des circonstances indépendantes d’eux-mêmes ; je ne crains pas d’avancer que, dans ce moment, leur but et les moyens de l’atteindre sont les mêmes ; ces derniers offrent des chances de réussite parce qu’ils sont conformes aux voeux d’une nation fatiguée à l’excès par une longue suite d’efforts, effrayée de l’immensité de la carrière que veut lui faire parcourir encore le maître actuel de sa destinée, d’un peuple aussi peu disposé que tout autre à soutenir, au prix de son sang et de sa fortune, des projets qui ne sont plus que personnels à ce maître. »
Fouché et Talleyrand avaient-ils, dès cette fin de 1808, songé à la chute du dieu ? Une chute qui ne serait pas due à ce fameux boulet dont on parlait alors souvent en voyant l’Empereur s’exposer au feu de l’ennemi et qui, selon le mot favori de Napoléon, « n’était pas encore fondu ».
Joséphine, elle aussi douée d’un sixième sens, est toute alarmée et l’Empereur la tranquillise le 2 janvier : « Je vois, mon amie, que tu es triste et que tu as l’inquiétude très noire. L’Autriche ne me fera pas la guerre. Si elle me la fait, j’ai cent cinquante mille hommes en Allemagne et autant sur le Rhin, et quatre cent mille Allemands pour lui répondre. La Russie ne se séparera pas de moi. On est fou à Paris. Tout marche bien... Je serai à Paris, aussitôt que je le croirai utile. Je te conseille de prendregarde aux revenants. Un beau jour, à deux heures du matin... »
L’Empereur a en effet décidé de rentrer d’urgence, laissant Soult poursuivre les Anglais – trop mollement d’ailleurs car, au lieu de les écraser, il les laissera se réembarquer à La Corogne.
L’avant-veille, le 17 janvier 1809, Napoléon s’est lancé à toute bride sur la route de Paris. « Je suis dépassé par Savary au grandissime galop, racontera Thiébault qui roule sur la même route, et par l’Empereur donnant de grands coups de fouet de poste sur la croupe du cheval de son aide de camp, de grands coups d’éperon au sien... À une grande minute en arrière d’eux accouraient Duroc et le mamelouk... À une égale distance galopait un guide, s’échinant pour perdre moins d’espace ; enfin quatre autres guides suivaient comme ils pouvaient... » Napoléon fait, en cet équipage, cent vingt kilomètres en cinq heures et, le 19, arrive à Bayonne.
Il laissait derrière lui les meilleurs de ses soldats – ceux d’Austerlitz, d’Iéna et de Friedland qui devaient tant lui manquer à Wagram !
Les malheureux vont vivre la plus atroce des guerres. « J’ai vu des officiers, racontera le capitaine François, des soldats, même des femmes éventrées de la matrice à l’estomac et les seins coupés, des hommes sciés en deux – entre deux planches –, d’autres les parties nobles coupées et placées dans la bouche ; d’autres enterrés vivants jusqu’aux épaules, d’autres pendus » par les pieds dans les cheminées et la tête brûlée... Le brave général René, que j’avais connu en Egypte sous-chef de l’état-major général, qui venait rejoindre l’armée du général Dupont avec sa femme et son enfant, fut arrêté dans les gorges de la Sierra Morena, et, quand il fut arrivé à une ferme, à une demi-lieue de la Caroline, nommée Cenaperos, escorté par ses bourreaux, il fut scié en deux devant sa femme après l’avoir vu déshonorer, ensuite l’enfant fut coupé en deux devant sa mère qui fut sciée en deux comme son mari... Dans le bourg de Manzanarès... les habitants de la ville seportèrent à l’hôpital où se trouvaient douze cents et quelques malades, qu’ils égorgèrent et coupèrent en morceaux (j’en ai vu des membres) ... Un officier qui s’y trouvait avait été
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