Napoléon
lesquels Napoléon redevient le général Bonaparte ! Et avec une armée composée, répétons-le, en grande partie de recrues et de soldats allemands ! À ces derniers, il s’adresse en ces termes :
— Bavarois, vous combattez aujourd’hui seuls contre les Autrichiens ; pas un Français ne se trouve dans les premiers rangs, ils sont dans le corps de réserve dont l’ennemi ignore la présence. Je mets une entière confiance dans votre bravoure. J’ai déjà reculé les limites de votre pays, je vois maintenant que je n’ai pas assez fait. À l’avenir, je vous rendrai si grands que, pour faire la guerre aux Autrichiens, vous n’aurez pas besoin de mon secours.
Le mercredi 19, il est à Ingolstadt et examine ce qui, demain, au confluent du Danube et de l’Abens, sera le champ de bataille d’Abensberg. Fatigué, assis dans un fauteuil que lui a avancé un boulanger – à l’endroit même où a été placé un rocher commémoratif–,il regarde passer ses troupes qui l’acclament par des vivats « tels que je n’en ai jamais entendu », rapporte le général Chlapowski.
La nuit est tombée lorsque l’Empereur accueille à son bivouac un colonel d’état-major autrichien qui vient d’être fait prisonnier. Il l’invite à s’asseoir auprès de lui et le questionne sur la position des divers corps autrichiens. Le colonel commence par répondre, puis se reprend :
— Il ne faut pas demander à un officier d’état-major d’informer son ennemi.
— N’ayez pas peur, dit l’Empereur, je sais tout déjà.
Et il commence à énumérer rapidement et avec force détails l’emplacement des différents corps et les noms des régiments qui les composent. Le colonel autrichien, frappé de voir un officier d’avant-garde aussi bien informé, s’écrie :
— Avec qui ai-je l’honneur de... ?
L’Empereur se lève et, soulevant son chapeau, répond :
— Monsieur Bonaparte !
Ce même soir, venant d’Espagne, Lannes arrive au château de Vohburg devenu le « palais ». Napoléon le reçoit affectueusement. C’est le seul de ses anciens compagnons d’armes qu’il continue à tutoyer comme autrefois. Le maréchal est découragé. Le siège de Saragosse qui s’est prolongé durant cinquante-deux jours a été atroce. Cinquante-quatre mille habitants ont péri. Un monceau de ruines !
— Je ne sais si c’est une guerre politique, confesse Lannes, mais c’est une guerre antihumaine et antiraisonnable, car pour y conquérir une couronne il faut d’abord y tuer une nation qui se défend, et cela est triste et long. La conscience est au-dessus de la force.
Napoléon essaye de se défendre. Est-ce lui qui a déclenché la guerre ?
— Sire, on vous compare à Gengis Khan et les Français aux Mongols.
Au diable l’Espagne ! C’est de l’Autriche qu’il s’agit aujourd’hui !
— Tu accompliras de grandes missions, lui promet Napoléon pour l’apaiser. Qui mieux que toi connaît le chemin de Vienne ? À Vienne nous discuterons les conditions d’une paix que l’Autriche ne pourra plus jamais violer !
Mais Lannes n’a plus de courage. L’état de paix lui paraît impossible à créer en Europe tant que les soldats français et leurs alliés monteront la garde de Varsovie à Madrid. Il faudra pour qu’il accepte de reprendre un commandement que l’Empereur mette sous ses ordres les meilleures troupes de l’armée.
— Sire, finit-il par murmurer, je ferai tout ce que vous m’ordonnerez.
Dès le lendemain – le 20 avril – Lannes est le principal artisan de la bataille d’Abensberg qui coupe l’armée autrichienne en deux tronçons. En quarante heures, l’Archiduc a perdu plus de treize mille hommes. Le soir, l’Empereur ne s’étend même pas sur son petit lit de fer dressé dans la brasserie Weinziell, à Roehr. Il se repose assis sur une chaise et – le 21 – dès 4 heures du matin, dicte ses ordres. Comeau le voit dessiner sur le sable le plan de la future bataille :
— Je coupe cette ligne en deux, lui explique-t-il, vos deux corps vont prendre Landshut ; avec Masséna j’anéantis la fraction qui va au Danube et cela s’appellera la bataille de Landshut.
Au soir, comme il l’a prédit, le pont sur l’Isar puisLandshut sont pris, grâce à l’impulsion héroïque du général Mouton. Napoléon décide alors de porter toutes ses forces sur Eckmühl :
— Je suis décidé à exterminer l’armée du prince Charles aujourd’hui,
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