Napoléon
désert, j’ai toujours eu mon vin de Chambertin.
Les troupes que le général Karl Mack, « pelotonné » dans Ulm, vient d’appeler du Tyrol à son secours, ont été rencontrées par Murat à Wertingen, et dispersées ! Napoléon – le 10 – a couché à Augsbourg chez l’Électeur de Trêves ! Le général autrichien apprend avec ahurissement que les troisponts qui enjambent le Danube entre Ulm et Donauwörth ont été pris. Et Ney est en train de forcer le fleuve, par un quatrième passage situé derrière Ulm !
« Le bandeau ainsi subitement déchiré, nous dit Ségur, aide de camp de l’Empereur, Mack tombe foudroyé de ses échasses. Il reconnaît que, sans appréciation des lieux, sans prévoyance du côté par lequel nos forces étaient accourues, et de ce qu’il avait le plus à craindre, notre nombre et le caractère de son adversaire, il vient de laisser deux cent mille hommes passer incognito près de lui ; et qu’il ne s’en est aperçu que lorsqu’il en est environné... »
Le 13 – la veille de la bataille d’Elchingen – Napoléon s’adresse à l’armée : « Il n’y a pas quinze jours que nous avons passé le Rhin, et les Alpes wurtembergeoises, le Neckar, le Danube et le Lech, barrières si célèbres de l’Allemagne, n’ont pas retardé notre marche d’un jour, d’une heure, d’un instant... Vos neveux même, d’ici à cinq cents ans, viendront se ranger sous ces aigles qui vous rallient, sauront en détail tout ce que votre corps aura fait demain, et de quelle manière votre courage les aura à jamais illustrées. Ce sera l’objet perpétuel de leurs entretiens, et vous serez cités d’âge en âge à l’admiration des générations futures. »
Le lendemain, Napoléon ordonne à Ney de s’emparer du pont et des hauteurs d’Elchingen, situés à 7 kilomètres d’Ulm. L’opération offre quelques difficultés car il faut, sous le feu des Autrichiens, rétablir les travées d’un pont qui ont été enlevées. Quelques jours auparavant, Murat, fatigué par les longues explications stratégiques que Ney croyait utile de lui donner, avait haussé les épaules en remarquant :
— Je ne fais jamais de plan qu’en présence de l’ennemi.
Aussi Ney, ce matin-là, devant Elchingen où il va cueillir son duché, ne peut s’empêcher de dire à Murat :
— Prince, venez faire avec moi vos plans en présence de l’ennemi.
Et, en grand uniforme – un uniforme à fairepâlir Murat de jalousie–,« il se précipite au milieu du feu ».
L’archiduc Ferdinand parvient cependant à quitter Ulm à la tête de vingt mille hommes et à foncer vers la Bohême. Murat va se lancer à sa poursuite, le rattrapera et s’emparera de douze mille prisonniers, de sept généraux, et du trésor de l’armée.
Et Mack ?
Il est resté dans Ulm avec trente mille hommes. Le 15 octobre, tandis que l’investissement de la ville s’achève, la pluie – toujours diluvienne – force Napoléon à se réfugier au petit village de Hasslach. Ségur le retrouve dans une ferme, « sommeillant assis à côté d’un poêle, dont un jeune tambour sommeillant de même occupait l’autre côté ». Ce spectacle inattendu surprend Ségur. On lui explique que, à l’arrivée de l’Empereur, on avait voulu renvoyer l’enfant qui avait résisté énergiquement en s’exclamant :
— Il y a place pour tout le monde ; j’ai froid, je suis blessé, je suis bien là, et j’y reste.
Napoléon l’avait entendu, et s’était pris à rire, ordonnant « qu’on le laissât sur sa chaise puisqu’il y tenait si fort ». On vit alors l’Empereur et le tambour dormir assis en face l’un de l’autre, entourés d’un cercle de généraux et de grands dignitaires debout, attendant les ordres que le maître leur donnerait à son réveil.
Au matin, d’une hauteur exposée au feu de l’ennemi, Napoléon regarde le spectacle : Ulm est là, au-dessous de lui, comme une belle proie qu’il va pouvoir cueillir. La place – relativement petite – est en effet mal défendue. La garnison tente une ultime sortie. Les dragons de la Tour chargent, les chasseurs à cheval de la Garde et les mamelouks mettent le sabre à la main et, en quelques instants, la mêlée devient effroyable. « Les hommes, rapportera le capitaine Krettly, luttaient corps à corps sur leurs chevaux, enfoncés dans la boue jusqu’à l’étrier. Si près les uns des autres nous ne pouvions nous servir dela
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