Napoléon
ondulations des collines – cette route dont le tracé n’a pas changé et qui va jouer un grand rôle dans l’histoire des journées qui vont suivre. Ce jour-là, l’artillerie et l’immense charroi l’empruntent afin d’aller prendre leurs positions.
Après avoir franchi une dizaine de kilomètres, l’Empereur remarque sur sa droite, en avant duhameau de Schlapanitz, à 200 mètres de la route, un monticule. Aussitôt, Napoléon se dirige vers lui : il s’agit du tertre de Zuran – un ancien tumulus tartare – d’où l’on domine un fort beau paysage {4} . Arrêté en haut de la butte, Napoléon, immobile, regarde.
C’est là qu’il battra l’ennemi !
Devant lui, la plaine descend en pente douce vers une très modeste vallée où coule, du nord au sud, la Goldbach – la Basantnice – un humble ruisselet qui traverse, ou borde, une série de villages : Girzhowitz, Puntowitz, Kobelnitz, Sokolnitz, Telnitz et Moenitz {5} . Peu après le lit incertain de la Goldbach, se dresse, vers l’est, une colline longue de 5 à 6 kilomètres : le plateau de Pratzen qui va entrer dans l’Histoire. Il limite tout l’horizon et se trouve couronné par deux mamelons : le Pratzberg, à droite, et le Stary-Vinoh-rady à gauche. Il est bon de le préciser : le tertre de Zuran où se tient l’Empereur a une altitude de 197 mètres, tandis que le ruisseau coule à 90 mètres plus bas, et que les deux hauteurs s’élèvent, la première à 324 mètres et la seconde à 298 mètres. Entre ces deux croupes, on devine une manière d’ensellement où s’est niché le charmant village de Pratzen – Prace aujourd’hui – dont la petite église recouverte de crépi jaune – son aspect n’a pas changé – est construite sur une butte plantée d’acacias et de noyers. Avec sa lunette, Napoléon peut encore distinguer à sa droite, à l’extrémité sud du plateau, la chapelle Saint-Antoine entourée de cerisiers qui surplombe presque le village de Aujzd – Ujezd.
Pour l’instant, les troupes françaises occupent tous ces hameaux, campent sur les deux hauteurs couronnant le plateau et même, au-delà, derrière Pratzen, se sont installées au village de Krenowitz – Kreno-vice – et encore plus au loin, vers l’est, tiennent solidement le bourg plus important d’Austerlitz.
Durant une semaine, l’Empereur va parcourir le futur champ de bataille, dont il connaîtra bientôt le terrain « aussi bien que les environs de Paris », nous précise l’un de ses familiers. Toute la déclivité et les creux des petites carrières qui, lorsqu’on vient d’Olmütz, précèdent le tertre de Zuran serviront aux dépendances du Grand Quartier général. Durant dix jours, ce sera là un incessant va-et-vient de courriers d’estafettes, d’aides de camp, d’officiers d’ordonnance en uniformes dorés et multicolores, un perpétuel piétinement d’hommes et de chevaux. L’endroit est bien choisi. Il y a même là, en contrebas du mamelon, à gauche de la route, juste avant la côte ; une auberge, celle de Gandie – ou de Kandia – dont l’intérieur est de nos jours à moitié en ruine. Une des poutres a été transportée au petit musée d’Austerlitz et on peut y lire cette inscription : Sa Majesté l’Empereur Napoléon fait ici (sic) les trois nuits qui ont précédé ‘la bataille d’Austerlitz. Indication fausse puisque l’Empereur préféra dormir dans sa berline ou dans une baraque élevée pour la circonstance, plutôt que dans cette masure qui servira seulement pour abriter les bureaux de l’état-major et où Napoléon ne prit que ses repas.
Minutieusement, au pas de son cheval, il étudie le terrain. À 1 500 mètres en avant du tertre de Zuran, la chaussée monte le flanc d’une colline surmontée, à gauche de la route, d’une véritable verrue sur laquelle s’élève une chapelle – la chapelle Sainte-Marie. C’est le Bosenitz-Berg que les anciens soldats d’Égypte ont vite surnommé le Santon, car cette hauteur leur rappelle les tertres de Palestine coiffés d’un marabout – autrement dit d’un santon. Un nom qui se trouvera bientôt, lui aussi, dans toutes les bouches, et a prévalu aujourd’hui sur son ancienne dénomination. Encore un peu plus loin, à près d’une lieue,une route se détache de la chaussée d’Olmütz et se dirige vers la Hongrie. Napoléon s’y engage, ce qui va lui permettre de passer derrière le plateau de Pratzen. Après une descente, il
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