Napoléon
armées triomphent sur tous les points... l’armée autrichienne est anéantie, et bientôt il en sera de même de celle des Russes.
Cependant, Napoléon, tout en poussant ses préparatifs, espère encore faire la paix avec Alexandre. Ce même 28 novembre, il a envoyé Savary auprès du tsar afin de lui porter cette lettre : « J’envoie mon aide de camp, le général Savary, près de Votre Majesté pour le complimenter sur son arrivée à son armée. Je le charge de lui exprimer toute mon estime pour Elle, et mon désir de trouver des occasions qui lui prouvent combien j’ambitionne son amitié. Qu’Elle le reçoive avec cette bonté qui La distingue, et me tienne comme un des hommes les plus désireux de Lui être agréable. »
Alexandre s’imagine que Napoléon a peur. Assurément, plutôt que de se battre, « M. de Buonaparte » préférerait la paix ! Le tsar le prend de haut avec Savary ; Napoléon doit être mis à la raison :
— Cette disposition à diminuer la puissance de ses voisins et à augmenter la sienne, pontifie le tsar, inspire de la crainte à tout le monde, et lui suscite continuellement des guerres. Vous êtes déjà une nation si forte par vous-mêmes, par votre réunion sous les mêmes lois, par l’uniformité de vos habitudes et de votre langage que vous inspirez naturellement de l’effroi. Qu’avez-vous besoin de vous agrandir continuellement ?
— Ce n’est pas nous, répond Savary, qui avons suscité ni commencé la guerre ; elle nous a été heureuse, nous ne devons pas en supporter les frais, et je suis bien persuadé que l’Empereur n’y souscrira pas.
— Tant pis, s’exclame Alexandre, parce que malgré le cas particulier que je fais de son talent et le désir que j’ai de pouvoir bientôt me rapprocher delui, il m’obligera d’ordonner à mes troupes de faire leur devoir.
Savary repart vers les avant-postes français, emportant une lettre du tsar adressée « au chef du gouvernement français ! » Bien entendu, le tsar s’est abstenu de donner les titres de sire ou de majesté à l’Empereur et se contente de l’assurer de sa « plus haute considération ».
Tout en pensant à cette lettre où le tsar affirmait lui aussi qu’il n’avait « d’autre désir que la paix », Napoléon, au soir de ce même 28 novembre, prend une nouvelle fois la route d’Olmutz. Il dépasse d’abord son quartier général, longe le Santon et va au-delà du croisement de la route de Hongrie. Il s’avance vers le quartier général de Murat installé dans la maison de poste de Posorsitz – Pozoricza Posta. Sa façade sans étage, aux huit fenêtres à petits carreaux grillés, borde toujours la chaussée en haut de la descente vers le hameau.
C’est là, en attendant l’Empereur, que se déroule une scène qui aura des répercussions infinies. Lannes vient d’arriver. Murat et Soult lui font un tableau bien noir de la situation. Selon les derniers renseignements reçus aux avant-postes, l’armée russe serait forte de quatre-vingt-treize mille hommes et posséderait deux cent soixante-dix-huit canons. L’Empereur ne peut leur opposer que soixante et onze mille hommes – si Davout et Bernadotte rejoignent en temps voulu ! Et il n’a que cent trente-neuf pièces d’artillerie ! Il faut se replier ! Lannes approuve et, à la demande de ses deux camarades, commence une lettre destinée à l’Empereur.
Soudain, la porte s’ouvre. C’est Napoléon.
— Eh bien, messieurs, nous sommes bien ici ? demande-t-il en s’approchant du feu.
— Ce n’est pas ce que nous pensons, s’exclame Lannes, et j’écrivais à Votre Majesté pour le lui dire.
Napoléon tend la main, lit la lettre et s’étonne :
— Comment, Lannes conseille la retraite ! C’est la première fois que cela lui arrive. Et vous, maréchal Soult ?
— De quelque manière, répond celui-ci, que VotreMajesté emploie le 4 e Corps, il lui fera raison de deux fois son nombre.
C’est là, pour Lannes, une traîtrise.
— Il n’y a pas un quart d’heure que je suis ici, lance-t-il avec colère. Je ne sais sur notre position que ce que ces messieurs m’en ont dit ; c’est sur leur affirmation que s’est fondée mon opinion, comme c’est d’après leurs instances que je vous écrivais ; la réponse du maréchal Soult est donc une jeanfoutrerie , à laquelle j’étais loin de m’attendre, que je tiens à offense et dont j’aurai raison !
L’Empereur a
Weitere Kostenlose Bücher