Napoléon
des exemples pour la discipline. À la moindre insulte d’une ville, d’un village prussien, faites-le brûler, fût-ce même Berlin, s’il se comporte mal... »
Mais Eugène a porté son quartier général en arrière de la capitale prussienne, ce qui lui vaut – le 9 mars – une mercuriale de l’Empereur. Démontrer par ce repli que l’on n’est point capable de garder la ville, c’est attirer à soi les Russes et les pousser à se saisir de Berlin : « Vous avez ainsi perdu une attitude que l’art de la guerre est de savoir conserver. »
Lorsque le fils de Joséphine reçoit cette lettre, le tsar a déjà fait son entrée dans la capitale de Frédéric-Guillaume. Trois jours plus tard – le 16 mars –, la Prusse annonce à la France que leur alliance est rompue et, dès le lendemain, le roi déclare la guerre à Napoléon. La joie, à Berlin, est indescriptible, c’est la guerre sainte qui s’apprête ! Le 19 mars, le général York entre dans Berlin et, le 22, c’est au tour du roi de retrouver sa chère ville. C’est du délire, et la haine pour la France atteint son paroxysme ! Pendant ce temps, à Vienne, ainsi que l’écrit – le 7 avril – le comte de Narbonne à Maret : « Tout semble présenter ici le même tableau qu’offrait la Prusse à la veille d’Iéna... Je vois tous les cafés et les lieux de rassemblement ne respirer que par la haine du nom français. » Ce même jour, le représentant de Napoléon est reçu par Metternich. L’entretien tourne vite à l’aigre.
— Ne dois-je pas conclure, constate Narbonne, que votre projet est, en penchant pour la France, de vous battre contre elle si elle n’acceptait pas ce que vous croirez acceptable ?
— Cela sort naturellement de la situation des choses, reconnaît Metternich.
Et il ajoute, patelin :
— Bien entendu que toute notre faveur est pour la France !
— Et c’est pour cela que vous envoyez M. de Stadion au quartier général de l’empereur de Russie ?
— Cela n’est pas encore définitivement arrêté, mais presque sûr.
— Vous attendez la première victoire pour vous décider ? ironise Narbonne.
— Vous vous trompez, répond Metternich avec franchise, croyez bien que, le lendemain de cette victoire, nous vous parlerions d’un ton plus prononcé qu’aujourd’hui.
Le surlendemain, Schwarzenberg arrive à Saint-Cloud. Metternich lui a demandé de « sonder » l’Empereur.
— Les Anglais, lui déclare Napoléon, croient que la France est écrasée ; ils me demanderont la Belgique... Ma position est difficile ; si je faisais une paix déshonorante, je me perdrais... Je suis nouveau, j’ai plus de ménagements à garder pour l’opinion parce que j’en ai besoin. En publiant une paix de cette nature, on n’entendrait, à la vérité, au premier moment, que des cris de joie ; mais, bientôt, on blâmerait hautement le Gouvernement ; je perdrais l’estime et en même temps la confiance de mes peuples, car le Français a l’imagination vive, il aime la gloire, l’exaltation, il est fibreux.
Schwarzenberg voit l’Empereur si sûr de lui qu’il n’ose lui parler des « conseils » que Metternich l’a chargé d’adresser à Napoléon et dont il fera part à Maret :
— La paix seule peut prévenir les malheurs qui nous menacent, mais tant que vous ne rétablirez pas les États dans leurs droits et que vous ne reconnaîtrez pas que chacun est maître chez lui, que vous ne laisserez pas le commerce libre pour faire rentrer un peu d’argent en circulation, la paix même sera une chimère.
Napoléon connaît parfaitement le problème, mais ne peut cependant le résoudre en appliquant la seule solution possible. Louis Madelin l’a une fois de plus, fort bien expliqué : Napoléon est dans l’impossibilité de faire la « part du feu » ainsi que son entourage le lui suggère : « S’il cédait un pouce, on lui demanderait aussitôt une toise, et s’il cédait cette toise, ce serait aux yeux de l’Europe un tel aveu de faiblesse, que, le poussant de toise en toise, on finirait par lui tout arracher. Mais, ayant tout cédé, il lui faudrait, de gré ou de force, disparaître, car un Napoléon sans son Empire était désormais inconcevable. »
Par ailleurs, en ce printemps 1813, la situation ne paraît encore nullement dramatique à l’Empereur, en dépit, d’abord de Bernadotte qui, le 3 mars, a signé un traité avec l’Angleterre en promettant de jeter
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