Napoléon
rompus.
Marmont accepte et, avant de partir, remet le commandement du 6 e corps au général Souham, lui ordonnant de n’opérer aucun mouvement pendant son absence, mais il ajoute :
— Dès mon départ, vous rassemblerez la troupe et lui apprendrez l’abdication de l’Empereur.
Il se garde bien de préciser qu’il s’agit d’une abdication conditionnelle au profit de Napoléon II. En outre, la décision de Napoléon devait rester secrète tant que les Alliés ne l’auraient pas acceptée.
À l’hôtel Talleyrand où Alexandre est descendu, tout semble d’ailleurs bien commencer. La première question du tsar est de demander aux quatre plénipotentiaires si l’Empereur consent à abdiquer.
— Oui, sire, pour son fils.
Alexandre semble écouter avec attention, il « cause, raisonne sur tout, ne fait d’objection que sur des choses de peu d’importance », et finit par déclarer :
— Je ne tiens nullement aux Bourbons, je ne les connais pas. Je vais faire savoir à mes alliés vos propositions et je les appuierai. Il me tarde aussi d’en finir.
Il congédie alors ses interlocuteurs, les priant de revenir le lendemain à midi.
— J’aurai alors conféré avec le roi de Prusse et les ministres alliés.
Le 4 au soir – en dépit des intrigues de Talleyrand, en dépit aussi de l’attitude des autorités impériales devenues brusquement royalistes –, la cote de Napoléon II remonte un peu : la rente passe de quarante-neuf à cinquante-huit francs...
Le lendemain, en déjeunant à 11 h 30 chez Ney, les quatre plénipotentiaires de l’Empereur, tout en ne se dissimulant pas les difficultés qui les attendent, gardent quelque espoir. Au moment où Caulaincourt et les maréchaux s’apprêtent à se rendre au rendez-vous que leur a donné le tsar, un officier vient demander le duc de Raguse. Le maréchal sort et revient quelques instants plus tard, « le visage renversé », décomposé, pouvant à peine parler : le corps d’armée de Marmont, sous les ordres du général Souham, a traversé pendant la nuit les avant-postes autrichiens et vient de passer à l’ennemi.
— Je suis déshonoré. Souham a désobéi, trahi ses devoirs : il est passé avec tout le 6 e corps... Je donnerais un bras pour que cela ne fût pas arrivé.
— Dites la tête ! hurle Ney. Ce ne serait pas de trop.
Voici ce qui s’était passé : en l’absence de son chef, Souham avait ouvert un pli du quartier général adressé à Marmont : « Monsieur le maréchal, l’intention de l’Empereur est que vous vous rendiez ce soir au palais de Fontainebleau à 10 heures. » Quelques minutes plus tard était arrivé Gourgaud qui venait confirmer l’ordre. Souham et les autres généraux s’étaient affolés. En réalité, Napoléon, qui ignorait tout, avait convoqué à Fontainebleau tous les commandants de corps d’armée dans le but de préparer l’éventuelle reprise des hostilités. Mais les divisionnaires de Marmont s’étaient imaginé que l’Empereur avait été mis au courant de la défection acceptée par Marmont.
— Le maréchal a pris la fuite ! s’était exclamé Souham. Je suis plus grand que lui, je ne tiens pas à me faire raccourcir !
Si l’on voulait échapper à l’Empereur, il fallait passer à l’ennemi : Bordesoulle lui-même s’en était déclaré convaincu. Les ordres avaient couru à travers les cantonnements :
— Vite, les consignes ! Tout le monde en armes sur la route !
Et, à l’aube, le 6 e corps, entre deux haies de troupes ennemies présentant les armes, était entré dans les lignes russes. Le chemin de Fontainebleau est ouvert ! Napoléon ne peut plus désormais poser de conditions.
Marmont est livide.
— Quel déshonneur ! Tout est perdu ! Je vais rejoindre mes troupes pour tâcher de tout réparer...
Ney, Macdonald et Caulaincourt ne s’en rendent pas moins, la mort dans l’âme, à leur rendez-vous. Le tsar semble encore ne rien avoir appris. Il l’affirme comme la veille :
— Je vous le répète, les souverains sont loin de vouloir imposer à la France un gouvernement qui ne lui conviendrait pas.
La discussion s’engage et, de nouveau, Caulaincourt sent que le tsar, qui n’aime guère les Bourbons, envisage favorablement la candidature de l’Aiglon. Soudain la porte s’ouvre, paraît un aide de camp annonçant l’arrivée d’un officier du généralissime.
— Que veut-il ? demande Alexandre.
— Vous annoncer,
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