Napoléon
exposer Paris au sort de Moscou, geint Macdonald. Notre parti est pris, nous sommes résolus à en finir.
— Je ferai appel à l’armée ! crié presque l’Empereur.
— L’armée ne marchera pas ! avertit Ney.
— L’armée m’obéira, répond Napoléon.
— Sire, l’armée obéit à ses généraux.
Il y a un silence. Accablé, il reprend :
— Enfin, que voulez-vous donc, messieurs ?
— L’abdication.
C’est Oudinot et Ney qui auraient lâché le terrible mot. Lefebvre ajoute, d’une voix tremblante et ridicule :
— Voilà ce que vous avez gagné à ne pas suivre les conseils d’un ami quand il vous engageait à faire la paix.
L’Empereur a haussé les épaules. Il prend une feuille de papier et écrit son abdication conditionnelle : « Les puissances étrangères ayant déclaré que l’Empereur Napoléon était un obstacle au rétablissement de la paix et de l’intégrité du territoire français, fidèle à ses principes, à ses serments de tout faire pour le bonheur et la gloire du peuple français, l’Empereur Napoléon déclare qu’il est prêt à abdiquer en faveur de son fils et à en faire remettre l’acte en due forme au Sénat par un message aussitôt que Napoléon II sera reconnu par les puissances, ainsi que la régence constitutionnelle de l’Impératrice. À cette condition, l’Empereur se retirera sur-le-champ dans le lieu qui sera convenu. Fait en notre palais de Fontainebleau, le 4 avril 1814. Signé : Napoléon. »
Les maréchaux sortent. L’ex-sergent Lefebvre, fier de son audace, rapporte la scène à ses divisionnaires :
— Je lui ai bien serré le bouton ainsi que Ney ! Je lui ai dit qu’il était temps pour nous de jouir du repos. Croit-il donc que, lorsque nous avons des titres, des hôtels, des terres, nous nous ferons tuer pour lui ? C’est aussi de sa faute, il nous a ôté la besace trop tôt de dessus le dos.
Pendant ce temps, Caulaincourt est appelé dans le cabinet de l’Empereur.
— Partez sur-le-champ pour Paris, lui ordonne le vaincu. Vous connaissez mes intentions, mes projets. Si je suis le vainqueur, nous aurons une paix honorable... Si je perds la bataille, la pauvre France subira la loi. Quant à moi, je vous le répète, je n’ai besoin de rien.
Mais après un silence, il demande, songeur :
— Voudra-t-on de mon fils ?
Assurément, on fera semblant de vouloir du fils pour se débarrasser plus facilement du père ! Et Napoléon ne se fait guère d’illusion. Accompagné de Ney et de Macdonald, le grand écuyer part sous la pluie pour Paris à quatre heures et demie, tandis que la Garde et la petite armée de l’Empereur – à l’abri derrière le corps de Marmont – se disposent à combattre pour Napoléon II. En chemin, les plénipotentiaires s’arrêtent au quartier général du duc de Raguse et lui font part de la décision prise tout à l’heure par Napoléon.
— L’Empereur abdique ! constate alors le général Bordesoulle, commandant la cavalerie de Marmont. Voilà, monsieur le maréchal, qui nous tire de peine !
Ney, Macdonald et Caulaincourt s’étonnent. Que veut dire le général ? Marmont est alors obligé de leur rapporter ce qui s’est passé la veille avec Charles de Monttessuy : au lieu de prévenir l’Empereur des propositions qui lui avaient été faites, Marmont, ce matin même du 4 avril, a répondu à Schwarzenberg qu’il « était prêt à quitter, avec ses troupes, l’armée de l’empereur Napoléon », à la condition de pouvoir se rendre en Normandie. Il demandait également, en échange, qu’une situation convenable « dans un pays circonscrit » soit faite à l’Empereur. La lettre partie, le maréchal avait appelé ses généraux afin de régler avec eux les détails de leur défection. Souham, le principal divisionnaire, avait accepté avec enthousiasme, les autres s’étaient inclinés avec plus ou moins de bonne grâce. Bordesoulle y avait été le plus opposé :
— Comment, monsieur le maréchal, vous ouvririez la route de Fontainebleau ! Vous laisseriez l’Empereur à la merci de l’ennemi ?
Marmont – il l’avoue aux envoyés de l’Empereur – n’en a pas moins maintenu sa décision : le mouvement doit se faire le soir même.
— Avez-vous signé ? interroge Caulaincourt, abasourdi.
— Pas encore...
— Alors, vous pouvez venir avec nous ! En passant à Chevilly, vous direz à Schwarzenberg que vos pourparlers sont
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