Napoléon
nouveau vers ses cartes et on l’entend s’exclamer :
— Oui, je les tiens ! Dieu me les livre ! Mais il me faut quatre jours ! Ces quatre jours, vous pouvez me les gagner en pourparlers !
Il dicte à Caulaincourt :
« Nous ordonnons au duc de Vicence, notre grand-écuyer et notre ministre des Relations extérieures, de se rendre près des souverains alliés et du général en chef de leurs armées, pour leur recommander nos fidèles sujets de la capitale. Nous l’investissons, par la présente, de tout pouvoir pour négocier et conclure la paix, promettant de ratifier tout ce qu’il fera pour le bien de notre service. »
Il ajoute :
— Allons, Caulaincourt, il faut partir ; allez sauver la France et votre Empereur. Faites ce que vous pourrez. On nous imposera sûrement de dures conditions, mais je m’en remets, dans ces circonstances, à votre honneur comme Français, et à la fidélité comme à l’attachement dont vous m’avez donné des preuves.
Maintenant, il est près de trois heures du matin. Napoléon demeure prostré, accablé, la tête entre les mains, puis il demande une plume, du papier, et trace ces lignes destinées à Marie-Louise :
« Mon amie, je me suis rendu ici pour défendre Paris mais il n’était plus temps. La ville avait été rendue dans la soirée. Je réunis mon armée du côté de Fontainebleau. Ma santé est bonne. Je souffre de ce que tu dois souffrir.
N APOLÉON .
« La Cour de France, le 31 mars, à trois heures du matin ».
L’Empereur remonte dans sa voiture :
— Route de Fontainebleau !
Il y arrivera à six heures pour s’installer dans son appartement du premier étage. Après quelques heures de repos, il se lève et va inspecter les positions occupées par les onze mille hommes de Marmont échappés de Paris et qui forment devant Essonnés l’avant-garde de l’armée impériale. Le temps est très nuageux. En fin d’après-midi, il tonne et la pluie se met à tomber. À son retour, Napoléon apprend que de nouveaux régiments ont rejoint. D’ici trois jours, toutes les forces dont peut disposer l’Empereur – soixante mille hommes – seront là, prêtes à reprendre le combat...
Pour les Parisiens, puisque la capitale est tombée, l’empire est à terre. Le Sénat – un sénat-croupion de soixante-quatre sénateurs, nommés par Napoléon – se. réunit à trois heures en cet après-midi du vendredi 1 er avril et élit un gouvernement provisoire dont font partie Beugnot, le baron Louis, Malouet, le général Dupont, Bourrienne, l’ancien ami de Napoléon mis à la porte, on s’en souvient, pour tripotage... À l’Hôtel de Ville – où siège une partie du Conseil général et du Conseil municipal –, on n’a guère de courage. La motion suivante est votée :
« Les deux Conseils déclarent renoncer formellement à toute obéissance envers Napoléon Bonaparte, et ils expriment le voeu le plus ardent pour que le gouvernement monarchique soit rétabli dans la personne de Louis XVIII. »
Le soir, alors que le tonnerre gronde au-dessus de Paris et que la pluie crépite, Talleyrand organise une petite manifestation à l’Opéra. Alexandre vient assister à la représentation de la Vestale. Les dames lancent des cocardes blanches dans la salle, acclament le tsar et, à l’entracte, un comédien – Lays – s’avance au proscénium en chantant ces mauvais vers :
Vive Alexandre !
Vive ce roi des rois !
Sans rien prétendre,
Sans nous dicter des lois,
Ce prince auguste
A le triple renom
De héros, de juste,
De nous rendre un Bourbon !
Dans les escaliers, dans les foyers, les royalistes s’embrassent. La Restauration est faite.
Le lendemain, 2 avril, il pleut et le vent souffle. L’Empereur assiste à la parade de la Garde et est acclamé. Il reprend courage. Recommencer la lutte ne lui paraît pas impossible. Cependant, mieux vaudrait la paix !... Caulaincourt arrive de Paris. Il a vu le tsar la veille et lui a parlé du désir de son maître.
— La paix avec Napoléon ne serait qu’une trêve, avait dit Alexandre.
— Et Napoléon II ? avait proposé le grand écuyer.
— Mais alors, que faire de l’Empereur ? Le père est un obstacle invincible à la reconnaissance de son fils.
Caulaincourt espère faire changer le tsar d’avis. Il annonce encore au vaincu que le vicomte de La Rochefoucauld a essayé, mais en vain, de jeter à bas la statue de l’Empereur, place Vendôme. Quelqu’un est alors
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