Napoléon
les mamelouks, mais, jamais on ne, pourra se faire une idée de cette mêlée et de ce carnage. »
Arrivé de l’autre côté du Pratzberg, Rapp réunit ses escadrons et effectue une seconde charge.
— Faisons pleurer les dames de Saint-Pétersbourg ! crient les cavaliers en sabrant les chevaliers-gardes du Tsar.
Les mamelouks font merveille. « Avec leur sabre recourbé, raconte Coignet, ils enlevaient une tête d’un seul coup, et avec leurs étriers tranchants ils coupaient les reins d’un soldat. L’un d’eux revint, à trois reprises différentes, apporter à l’Empereur un étendard russe. À la troisième, l’Empereur voulut le retenir, mais il s’élança de nouveau, et ne revint plus. Il resta sur le champ de bataille. »
Enfin Russes et Autrichiens se débandent. Le tsar et l’empereur d’Autriche assistent, abasourdis, à la défaite de la Garde russe qui, dans leur pensée, « devait fixer la victoire ».
Maintenant libérés, Dupin, Coignet et leurs camarades changent de cap et se dirigent vers la chapelle Saint-Antoine, à l’extrémité sud du plateau. L’aile gauche russe est prise entre deux feux. Bientôt, les Français dégringolent les pentes vers Aujzd et les étangs. Déjà, alors que la bataille n’est pas terminée, Berthier peut écrire à Talleyrand : « Je vous annonce avec plaisir, Monsieur, la plus célèbrebataille gagnée par l’empereur Napoléon ; les empereurs d’Autriche, de Russie, de France, en présence ; les armées russes et autrichiennes détruites. La Garde de l’empereur des Français a chargé la Garde de l’empereur de Russie, a pris le colonel, le tiers des officiers, toute son artillerie et taillé le reste en pièces. C’est sur le champ de bataille couvert de morts que je mets pied à terre pour vous annoncer cette éclatante victoire. Le canon gronde encore en poursuivant les débris des armées ennemies. L’Empereur qui a été présent partout, a ordonné lui-même les charges qui décidèrent de la victoire, se porte bien. Nous avons peu perdu. »
Napoléon a suivi la Garde et se trouve maintenant devant la chapelle Saint-Antoine – aujourd’hui reconstruite. Il mange une tranche de viande froide et un morceau de pain. De son observatoire, il domine Aujzd et voit les étangs de Satschan et de Melnitz. Il met pied à terre et ses officiers d’ordonnance l’entendent fredonner : « Malborough s’en va-t-en guerre !... C’en est fait, je me marie !... »
Le baron de Wimpfen, Français au service de la Russie, est prisonnier. Il s’est fait « un peu houspiller » quand on l’a pris. Ses cheveux dénoués sont épars, ses habits en désordre. Il est pâle et paraît très fatigué. Napoléon, tout en bavardant avec lui, fait apporter un verre de vin de Bourgogne :
— Buvez, buvez, monsieur le général, c’est du vin de France. C’est le seul bon celui-là.
« Il appuya sur ces derniers mots, rapporte un témoin, comme voulant reprocher à ce général d’avoir abandonné son pays et de se battre contre ses compatriotes ».
Au même moment, l’Empereur remarque une division de dragons français qui, chargée de pousser vigoureusement l’arrière-garde russe, ne s’engage pas franchement. Apercevant un officier d’état-major qui revient du combat, il ordonne :
— Retournez-y, et vous direz de ma part au général qui commande cette division qu’il n’est qu’un jeanfoutre !
Pendant ce temps, l’ennemi en déroute est acculéau bord des étangs gelés et n’a d’autre ressource que de s’y engager. Napoléon donne immédiatement l’ordre à l’artillerie de tirer à boulets sur la place... Des milliers d’hommes disparaissent, l’Empereur lui-même parle de vingt mille noyés. C’est faux : l’eau ne dépasse pas les poitrines, et il n’y eut même pas une centaine de morts – la plupart par le froid. Les malheureux sortent de l’eau glacée, claquent des dents et sont tout heureux d’être faits prisonniers. À ce spectacle, « toutes les troupes battaient des mains, rapporte le cher Coignet, et notre Napoléon se vengeait sur sa tabatière ; c’était la défaite totale ».
L’armée russe est maintenant en pleine débâcle. « L’Empereur parcourt le champ de bataille et fait relever les blessés qui l’ovationnent de tout le reste de leurs forces, nous raconte le porte-drapeau Putigny. Le voici avec son état-major sur le chemin le long des vignes, s’entretenant
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