Napoléon
passer l’escouade impériale en grand habit de gala, plumets au vent, chapeaux retroussés, petits manteaux à l’espagnole, pantalon de satin blanc, souliers à bouffettes et le reste », nous dit le duc de Broglie, futur ministre de Louis-Philippe. Napoléon avait, en effet, eu le tort de revêtir, avec ses frères, la tenue du Sacre. On attendait le petit Caporal du Vol de l’Aigle et on ne vit qu’une « chienlit ». « Une mascarade, dit encore le duc de Broglie, qui m’inspira autant d’indignation que de mépris. » Ce ne sont pas seulement les royalistes qui furent choqués, le faste impérial « offusqua » aussi les regards des « vieux patriotes qu’il avait abusés » et dont il fallait éviter de réveiller les souvenirs, ainsi que l’a fort justement expliqué Fleury de Chaboulon.
Pendant la messe, remarqua un témoin anglais – Hobhouse – Napoléon « s’occupa moins de prières que de regarder l’assemblée avec sa lorgnette ». Le service terminé, les délégués des collèges électoraux viennent lire leur adresse :
— Nous ne voulons point du chef que veulent pour nous nos ennemis, et nous voulons celui dont ils ne veulent pas. Ils osent vous proscrire, Sire, vous qui maître tant de fois de leurs capitales, les avez raffermis généreusement sur leurs trônes ébranlés !... Cette haine de nos ennemis ajoute à notre amour pour vous... Si l’on ne nous laisse que le choix entre la guerre et la honte, la France entière se lèvera pour la guerre. Nous nous serrerons autour du trône où siège le chef et le père du peuple et de l’armée. Tout Français est soldat. La victoire suivra vos aigles.
Le grand chambellan fait placer devant l’Empereur une petite table dorée où se trouve posée la Constitution. Napoléon la signe, puis sa voix s’élève :
— Français, ma volonté est celle du peuple, mes droits sont lès siens : mon honneur, ma gloire, mon bonheur ne peuvent être autres que l’honneur, la gloire et le bonheur de la France !
L’archevêque de Bourges, premier aumônier, présente à genoux l’Évangile, sur lequel l’Empereur jure d’observer la Constitution. Après le Te Deum, Napoléon se débarrasse de son manteau impérial et saute rapidement de son trône. Les tambours battent et la cérémonie de la distribution des Aigles commence.
— Je vous confie l’Aigle impériale aux couleurs nationales, crie l’Empereur. Vous jurez de périr, s’il le faut, pour la défendre contre les ennemis de la patrie et du trône ?
— Nous le jurons !
— Vous jurez de ne jamais reconnaître d’autre signe de ralliement ?
— Nous le jurons !
— Vous, soldats de la Garde nationale de Paris, vous jurez de ne jamais souffrir que l’Étranger souille de nouveau la capitale de la Grande Nation ? C’est à votre bravoure que je la confierai.
— Nous le jurons.
— Et vous, soldats de la Garde impériale, vous jurez de vous surpasser vous-mêmes dans la campagne qui va s’ouvrir, et de mourir tous plutôt que de souffrir que les étrangers viennent dicter des lois à la Patrie ?
— Nous le jurons !
Puis Napoléon demande encore d’une voix forte :
— Jurez de défendre vos aigles ! Le jurez-vous ?
« Mais les serments étaient sans énergie, nous dit le capitaine Coignet ; l’enthousiasme était faible ; ce n’étaient pas les cris d’Austerlitz ni de « Wagram ; l’Empereur s’en aperçut... »
Quelques jours plus tard, en rongeant son frein, Napoléon subira la lecture des adresses parlementaires. Il s’agit, en réalité, de véritables « remontrances » de la part des représentants.
— Aidez-moi à sauver la patrie, répond-il avec noblesse. La crise où nous sommes engagés est forte. N’imitons pas l’exemple du Bas-Empire, qui, pressé de tous côtés par les Barbares, se rendit la risée de la postérité en s’occupant de discussions subtiles au moment où le bélier brisait les portes de la ville.
Les députés – Fleury de Chaboulon le remarque – furent vexés d’être comparés à des Byzantins...
Le 9 juin, à Vienne, les plénipotentiaires alliés signent l’acte final de leurs travaux qui, écrira Louis Madelin, « mettait le sceau à la plus extraordinaire des oeuvres d’oppression et d’iniquité collective-que le monde eût connues ». En ce qui concerne la France, tout le monde se met bien d’accord avec Ferdinand VII d’Espagne, qui avait écrit aux
Weitere Kostenlose Bücher