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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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l’ennemi. Déjà l’armée française se trouve massée devant la frontière belge. Le dimanche 11 juin, Napoléon assiste à la dernière messe des Tuileries. Thiébaut est frappé par le changement qui s’est opéré en lui : « son regard, jadis si formidable, à force d’être scrutateur, avait perdu la puissance et même la fixité... sa bouche contractée ne gardait rien de son ancienne magie ; sa tête elle-même n’avait plus ce port qui caractérisait le dominateur du monde... Tout semblait dénaturé, décomposé en lui ; la pâleur ordinaire de sa peau était remplacée par un teint verdâtre, fortement prononcé... »
    Le soir, après le dîner de famille, il prend mélancoliquement sur ses genoux le petit Louis, le fils d’Hortense, qu’on appelait Oui-oui – et qui sera un jour l’empereur Napoléon III.
    Ses yeux croisent ceux de Fanny Bertrand :
    — Eh bien, Madame Bertrand, pourvu que nous ne regrettions pas l’île d’Elbe !
    Est-ce ce soir-là que Decrès le vit assoupi dans son fauteuil ? Soudain il se réveilla et, ne remarquant pas la présence du ministre, s’exclama, se parlant à lui-même :
    — Et puis cela ira comme cela pourra !



XXVIII
 
LA MORNE PLAINE
    Quand, on n’a jamais eu de revers, on doit les avoir grands comme la fortune.
    N APOLÉON .
    L’E MPEREUR va passer !
    À Villers-Cotterêts, ce lundi 11 juin, le jeune Alexandre Dumas se précipite au relais où la foule s’est amassée : « Je vis accourir comme une trombe trois voitures qui brûlaient le pavé, conduites par des chevaux en sueur et par des postillons en grande tenue poudrés et enrubannés. »
    La voiture impériale s’arrête. Napoléon lève sa tête « pâle et maladive » et demande :
    — Où sommes-nous ?
    — A Villers-Cotterêts, Sire, dit une voix.
    — À combien de lieues de Paris ?
    — A vingt lieues, sire.
    — À combien de lieues de Soissons ?
    — A six lieues, sire.
    — Faites vite !
    Et il retombe dans son « assoupissement »...
    Le 14 juin, à Avesnes, l’Empereur harangue ses soldats, lançant pour un ultime appel ces mots qui, une fois de plus, vont galvaniser l’armée :
    — Soldats ! C’est aujourd’hui l’anniversaire de Marengo et de Friedland qui décidèrent deux fois du destin de l’Europe. Alors, comme après Austerlitz, comme après Wagram, nous fûmes trop généreux. Nous crûmes aux protestations et aux serments des princes que nous laissâmes sur le trône. Aujourd’hui cependant, coalisés entre eux, ils en veulent à l’indépendance et aux droits les plus sacrés de la France. Ils ont commencé la plus injuste des agressions : marchons donc à leur rencontre !... Soldats ! nous avons des marches forcées à faire, des batailles à livrer, des périls à courir ; mais, avec de la constance, la victoire sera à nous. Les droits, l’honneur et le bonheur de la patrie seront reconquis ; pour tout Français qui a du coeur, le moment est arrivé de vaincre ou de périr !

    Le torrent d’hommes roule vers la frontière. « Jamais armée ne s’était mise en marche avec plus de certitude de vaincre. Que nous importait le nombre des ennemis ? écrira le lieutenant Martin. Nous comptions dans nos rangs les soldats vieillis dans la victoire, que le sort avait fait prisonniers pendant quelques années et qui n’en étaient devenus que plus redoutables. Mille outrages à venger mêlaient de la colère à leur bravoure naturelle. Ces figures, hâlées par le soleil d’Espagne ou les glaces de la Russie, s’illuminaient à la pensée d’une bataille. »
    De l’autre côté de la frontière, l’ennemi ne soupçonne encore rien. Blücher, qui se trouve à pied d’oeuvre avec son armée forte de cent vingt mille hommes, a écrit, la veille, à sa femme : «  Nous entrerons bientôt en France. Nous pourrions bien rester encore ici une année ; car Bonaparte ne nous attaquera pas. »
    De son côté, Wellington a rassemblé – et également devant Bruxelles – cent mille hommes. Ce même 14 juin, il fait savoir au tsar qu’il attaquera les Français à la fin du mois. Ni l’un ni l’autre ne peuvent prévoir une attaque de l’Empereur sur Charleroi, que tient solidement l’avant-garde prussienne. Aussi la surprise sera-t-elle totale.
    Le 15, Napoléon est arrivé à Charleroi vers midi et reçoit Ney quatre heures plus tard :
    — Je suis bien aise de vous voir ! Vous allez prendre le commandement des

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