Napoléon
I er et II e Corps d’armée. Je vous donne aussi la cavalerie légère de ma Garde. Demain vous serez rejoint par les cuirassiers de Kellermann. Allez, poussez l’ennemi sur la route de Bruxelles et prenez position aux Quatre-Bras.
Mais Ney a vieilli... Voyant les Quatre-Bras occupés – ils ne l’étaient en réalité que par quelques unités, au surplus presque sans munitions –, il n’osera pas attaquer l’avant-garde des coalisés, opération qui l’eût rendu maître de la situation.
Napoléon se consolera en se disant que, le lendemain matin, Ney emportera les Quatre-Bras, et de là, marchera sur Bruxelles.
Ce soir-là, Wellington, alors qu’il sait maintenant Napoléon à Charleroi, soupe et danse au bal donné à Bruxelles par la duchesse de Richmond. Inconscience ? Non pas ! Il l’explique à Mufling, officier de liaison de l’armée prussienne :
— Mes troupes vont se mettre en mouvement. Mais ici les partisans de Napoléon commencent à lever la tête. Il faut rassurer nos amis. Nous monterons à cheval à trois heures du matin.
Certains officiers n’eurent même pas le temps de changer de costume et, nous dit lady Lenox, « allèrent se battre en habit de soirée ».
Au début de la matinée du 16 juin, Napoléon envoie à Ney un billet le pressant de nouveau d’aller prendre position aux Quatre-Bras : « Un mouvement aussi prompt et aussi brusque isolera l’armée anglaise de Mons, d’Ostende, et je désire que vos dispositions soient bien faites pour qu’au premier ordre, vos huit divisions puissent marcher rapidement et sans obstacle sur Bruxelles... »
Ney se met en route mollement..., si mollement que Wellington, plus prompt que le maréchal, fait sérieusement occuper les Quatre-Bras par le prince d’Orange.
Pendant ce temps, Napoléon s’apprête à attaquer violemment les Prussiens à Ligny, et va se placer à deux pas d’un moulin à vent en briques, à la « pointe de Fleurus ». Non loin de l’Empereur se trouve un groupe d’officiers d’ordonnance qui rient aux éclats à la suite d’une plaisanterie lancée par l’un d’eux, en voyant quelques Français et Prussiens en venir aux mains. L’Empereur, « impatienté, importuné par tant de gaieté », se retourne et interpelle le perturbateur :
— Monsieur ! On ne doit ni rire ni plaisanter quand tant de braves gens s’égorgent sous nos yeux.
Quelques instants plus tard, l’Empereur entre dans le moulin et appelle auprès de lui le général Gérard.
— Gérard, lui dit-il, ton Bourmont dont tu me répondais est passé à l’ennemi !
Le comte général de Bourmont était assurément royaliste, non comme l’a peint Georges Cadoudal, un royaliste de Paris « à collet vert et à cadenettes et que le moindre coup de fusil fait cacher sous le lit des femmes », mais un chouan, combattant courageux, à la fois au fait de la guerre et de la politique. Bien que regrettant Louis XVIII, il n’en avait pas moins demandé au général Gérard de lui donner le commandement d’une division.
— Ce qui est blanc, avait fait remarquer Napoléon à Gérard, est toujours blanc ; mais puisque tu es sûr de lui, je te l’accorde.
Et – ce 15 juin 1815 — Bourmont venait d’abandonner sa division ! Il avait écrit une lettre à Gérard en lui affirmant qu’il éprouvait un profond chagrin à l’idée de la « contrariété » que lui causerait son départ. Puis, il s’était présenté aux avant-postes prussiens avec cinq officiers de son état-major, la cocarde blanche piquée au chapeau. En le voyant, Blücher – et c’est le pendant du mot de Napoléon – s’exclama :
— Qu’importe la cocarde ! J.F... sera toujours J.F... !
S’il faut en croire un général prussien, Bourmont aurait révélé au colonel von Schutter, commandant les avant-postes, que « le jour même » une attaque française devait être « dirigée contre Charleroi ».
Entraînant maintenant Gérard en haut du moulin, l’Empereur lui montre le clocher de Ligny :
— Il faut te porter sur ce clocher et pousser les Prussiens à outrance, je te ferai soutenir, Grouchy a mes ordres.
Et la bataille – la bataille de Ligny et de Fleurus – commence. Il est environ trois heures. Des deux côtés, on s’égorge avec un maximum de haine. Chacun se bat, comme s’il réglait un compte personnel, sans merci, impitoyablement. « Ce n’était pas une bataille, rapportera Coignet, c’était une
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