Napoléon
tribune :
— Qui s’oppose à cette résolution ? Des individus constants à adorer le pouvoir et qui savent abandonner un monarque avec autant d’habileté qu’ils en montraient à le flatter. Je les ai vus, autour du trône, aux pieds du souverain heureux. Ils s’en éloignent quand il est dans le malheur ! Ils repoussent aussi Napoléon II parce qu’ils sont pressés de recevoir la loi des étrangers à qui déjà ils donnent le titre d’alliés, d’amis peut-être !
On ne peut aller plus avant ce soir-là... Le tumulte est effroyable –.les pairs se déchaînent comme de jeunes députés – et le jeune général est arraché à la tribune.
Le 23 juin, c’est par haine pour les Bourbons que les représentants vont accepter de proclamer empereur le « prince de Parme ». Un certain Dufermon a posé nettement la question :
— Avons-nous, oui ou non, un empereur des Français ? Nous devons nous rallier aux Constitutions. Napoléon II est donc notre souverain ! ‘Quand on verra que nous nous prononçons en faveur du chef désigné par nos Constitutions, on ne pourra pas dire que nous attendons Louis XVIII !
Un grand cri de Vive l’Empereur ! salue le nom du roi de Gand. Tout plutôt que voir les Bourbons apparaître pour la deuxième fois dans les fourgons de l’ennemi ! Fouché trouve que l’on va un peu vite. Il pousse Manuel à la tribune qui – et c’est là une nuance – propose à la Chambre de « passer à l’ordre du jour motivé sur ce que Napoléon II est devenu empereur des Français par le fait de l’abdication de Napoléon I er et par la force des constitutions de l’Empire ».
Aux cris de Vive Napoléon II, l’ordre du jour prévoyant la création d’une « commission de gouvernement » est proclamé à l’unanimité, tandis que l’on se met aussitôt à frapper toute une série de monnaies – de cinq centimes à cinq francs – au nom de Napoléon II, empereur des Français. Cependant le nouveau souverain ne se trouve pas réellement proclamé mais reconnu existant de fait. Bien plus, ce n’est pas une régence qui va provisoirement régner, mais une commission de gouvernement. Comment imaginer, en effet, que Marie-Louise puisse accepter la régence ! Lorsqu’elle apprendra la nouvelle de Waterloo, elle sera « hors d’elle de joie », annoncera l’impératrice Maria-Ludovica à son mari. « Je la vis encore hier soir, à Schoenbrunn, après le théâtre, précisera-t-elle. Elle me dit qu’il fallait qu’elle se regarde dans la glace pour voir une figure gaie, car son entourage (français) était naturellement consterné. »
L’avènement du nouvel empereur ne fit pas grand effet sur les Français. « Nulle cérémonie, nul apparat pour l’annoncer, nous raconte Labretonnière ; le pauvre petit roi de Rome. vit sa royauté passer à la Chambre avec la même solennité qu’un amendement sur les tabacs ou la potasse. »
Et une nouvelle nuit tombe sur Paris. Il faut prendre une décision : Napoléon doit quitter l’Élysée. Mais où peut-il se rendre ? Il demande à Hortense si elle peut le recevoir le lendemain à Malmaison.
L’heure de Fouché va sonner. Dès le second jour du « règne » du petit empereur, le duc d’Otrante, devenu président de la commission de gouvernement, fait libérer le baron de Vitrolles, ancien ministre de Louis XVIII, et lui expose ses projets :
— Vous allez trouver le roi, vous lui direz que nous travaillons pour son service, et lors même que nous n’irions pas tout droit, nous finirons bien par arriver à lui. Dans ce moment, il nous faut traverser Napoléon II, mais enfin nous irons à lui.
Il serait vite écoeurant de suivre pas à pas le répugnant personnage dans le travail de sape qui va .permettre à ce régicide, à l’ancien mitrailleur de Lyon, d’offrir le trône de Napoléon II au frère de Louis XVI. La Chambre, tremblant de peur devant le retour éventuel des lys, acclame chaque jour le nouvel empereur. Aussi Fouché occupe-t-il les députés en leur demandant de préparer une constitution.
Le dimanche 25 juin, il a plu le matin, mais des éclaircies sont venues et par les fenêtres de l’Élysée, Napoléon voit quelques milliers de Parisiens qui emplissent la rue du Faubourg Saint-Honoré. Des cris montent :
— Vive l’Empereur ! Ne nous abandonnez pas !
Napoléon a décidé de gagner Malmaison et d’y attendre les passeports qui lui permettront de se rendre en
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