Napoléon
ensuite le départ des frégates de Rochefort à la demande qu’il avait adressée aux Anglais afin d’obtenir un sauf-conduit pour « Napoléon Bonaparte ».
Un sauf-conduit !
Alors que les puissances alliées n’ont qu’un but : « arrêter le perturbateur du monde » ! Blücher veut même faire exécuter Napoléon devant ses troupes. Il a déjà donné l’ordre au major de Colomb de se porter vers Malmaison avec ses hussards pour s’emparer de l’Empereur déchu.
Fouché ne l’ignore pas. Il le sait si bien que les plénipotentiaires français envoyés par le gouvernement provisoire à Wellington pour signer un armistice ont reçu la mission secrète d’offrir de livrer Napoléon à l’Angleterre ! Quelle monnaie d’échange !
Mais, à la réflexion, M. le duc d’Otrante a changé d’avis. Aujourd’hui, il ne veut plus que l’opération se fasse aux portes de Paris. À Rochefort, ou dans la rade de l’île d’Aix, l’arrestation sera tellement plus facile et plus discrète ! Le passeport a été remis à Béker et les frégates ont reçu l’ordre de lever l’ancre dès que l’Empereur et sa suite seront arrivés à bord. Inutile d’attendre même les sauf-conduits... car Fouché compte bien prévenir l’escadre anglaise qui n’aura plus ensuite qu’à cueillir le fugitif.
— Dites à l’Empereur, ajoute le chef du gouvernement provisoire, tandis que Béker s’apprête à retrouver son cabriolet, dites à l’Empereur que ses offres ne peuvent être acceptées, qu’il est de la plus grande urgence qu’il parte immédiatement pour Rochefort où il se trouvera plus en sûreté que dans les environs de Paris.
Caulaincourt et Carnot n’ont même pas osé ouvrir la bouche !
En revenant à Malmaison, Béker trouve le petit château transformé en véritable quartier général. La cour bourdonne d’officiers prêts à monter à cheval et à donner des ordres. Avec effroi, le général se souvient d’une phrase que Fouché a lancée tout à l’heure en le traitant de sot :
— Il a filé aussitôt votre départ ! Il est déjà en train de haranguer ses soldats et de les passer en revue !
Fouché aurait-il eu raison ? L’Empereur va-t-il passer outre ? Non ! Dès que Napoléon apprend la réponse du gouvernement, il s’incline :
— Ces gens-là ne connaissent pas l’état des esprits ! Ils se repentiront d’avoir refusé mon offre.
Cependant, durant une seconde, il se raccroche à un espoir :
— Leur avez-vous vraiment rapporté mes paroles et mon serment ?
Pitoyable, Béker murmure :
— Oui, Sire !
— Bien, alors, je n’ai plus qu’à partir. Donnez les ordres. Quand ils seront exécutés, venez me prévenir !
À pas lents il quitte la bibliothèque et, par le petit escalier dérobé, remonte dans sa chambre. Là, il enlève son uniforme, dépose son épée, revêt un frac de couleur brune, et, un chapeau rond à la main, il se dirige vers la chambre de Joséphine. Il désire y être seul. Dans la chambre en rotonde, devant le lit où veillent deux cygnes aux ailes reployées, il rêve...
— Elle était pleine de grâce pour se mettre au lit, pour s’habiller, confiera-t-il plus tard à Gourgaud. J’aurais voulu qu’un Albane la vît alors pour la dessiner... C’est la femme que j’ai le plus aimée.
Ses yeux sont gonflés de larmes lorsqu’il sort de la pièce.
Il retourne dans la bibliothèque. La reine Hortense le force à accepter une ceinture où elle a cousu un collier de gros diamants. Madame Mère est là aussi. Letizia ne reverra plus son Napoléone. Elle le sent... et pleure.
— Adieu, mon fils !
— Adieu, ma mère !
Les officiers de la « garnison » de Malmaison entrent dans la pièce.
— Nous voyons bien, balbutie l’un d’eux, que nous n’aurons pas le bonheur de mourir à votre service !
Les voitures impériales sont rangées dans la cour. Une suite imposante d’officiers, de domestiques, de bagages, rejoindra Napoléon à Rochefort. Lui, va voyager incognito avec Béker, le duc de Rovigo et le grand-maréchal Bertrand. Personne ne remarque une calèche jaune, sans armoiries, attelée, de quatre chevaux de poste que le mamelouk Ali est allé placer sur la petite route de La Celle-Saint-Cloud...
Un peu après cinq heures, suivi de ses compagnons, il s’engage sur le pont-levis, flanqué de deux obélisques, et se dirige vers la grille, Une dernière fois, il se retourne et regarde la
Weitere Kostenlose Bücher