Napoléon
d’Aix jouant au malade, refusant de quitter sa chambre, tandis que son frère voguerait vers l’Amérique.
Le lendemain, Joseph recevra cette réponse :
— Dites au roi Joseph que j’ai bien réfléchi sur sa proposition. Je ne puis l’accepter. Ce serait une fuite. Mon frère peut le faire ; il n’est pas dans ma position. Moi je ne le puis pas... Dites-lui de partir sur-le-champ. Il arrivera à bon port.
Joseph atteindra, en effet, New York, sain et sauf. Son brick ne sera nullement arraisonné. Voici un motif de rêverie pour ceux qui aiment à « refaire l’Histoire ».
Le matin du 13 juillet, le général Béker entre dans la chambre de l’Empereur. Les chasse-marée sont prêts à mettre à la voile.
— Sire, tout est prêt. Le capitaine attend Votre Majesté.
Napoléon ne répond rien... Le général se retire. Dans la maison, les « pleurs et les gémissements » de ceux qui ne peuvent embarquer avec le proscrit montent jusqu’à la chambre de Napoléon. L’attente se prolonge. Finalement, le grand-maréchal se présente à l’Empereur afin de presser le départ... Napoléon l’écoute, puis déclare gravement :
— Il y a toujours danger à se confier à ses ennemis, mieux vaut risquer de s’en remettre à leur honneur que d’être en leur main prisonnier de droit. Dites que je renonce à m’embarquer.
Et une nouvelle journée s’écoule...
Le 14 juillet, Las Cases et le général Lallemand retournent à quatre heures du matin à bord du Bellerophon. Maitland – imperturbable – leur affirme n’avoir reçu aucune réponse de lord Hotham. Il attend à chaque minute l’arrivée d’une corvette, puis il précise :
— Si l’Empereur veut dès cet instant s’embarquer pour l’Angleterre, j’ai autorité pour le recevoir et l’y conduire. D’après mon opinion privée, il n’y a nul doute que Napoléon ne trouve en Angleterre tous les égards et les traitements auxquels il peut prétendre. Dans mon pays, le Prince et les ministres n’exercent pas l’autorité arbitraire du continent : le peuple anglais a une générosité de sentiment et une libéralité d’opinion supérieures à la souveraineté même.
Las Cases répond qu’il va faire part à l’Empereur de l’offre du capitaine anglais et ajoute :
— Je crois assez connaître l’empereur Napoléon pour penser qu’il ne serait pas éloigné de se rendre de confiance en Angleterre même, pour y trouver des facilités de continuer sa route vers les États-Unis.
Toute sa vie, Maitland affirmera n’avoir fait aucune promesse aux deux envoyés de l’Empereur. Il l’expliquera à lord Keith : « Je puis assurer à Votre Seigneurie que je n’ai fait ni accepté aucune condition concernant l’accueil que le général Bonaparte devait recevoir et que même il ne fut pas alors définitivement réglé qu’il viendrait à bord du Bellerophon. Dans le courant de la conversation, M. Las Cases me demanda si je pensais que Bonaparte serait bien reçu en Angleterre. Je lui fis la seule réponse que je pouvais faire dans ma situation, savoir, que je ne connaissais pas du tout quelle était l’intention du gouvernement anglais ; mais que je n’avais aucune raison de supposer qu’il ne serait pas bien reçu. »
Ce même jour, vers deux heures, l’Empereur fait appeler une dernière fois ses fidèles :
— Dois-je essayer cette nuit de me rendre à bord de La Bayadère, ou de traverser la croisière anglaise, soit avec le sloop du lieutenant Besson, soit avec la chaloupe des aspirants ? Ne dois-je pas plutôt me résoudre à demander l’hospitalité à l’Angleterre ?
Montholon affirmera – plus tard – avoir déclaré à l’Empereur qu’il était « mille fois préférable de courir les chances qu’offrait la réponse du capitaine Baudin, qui disait-il se chargeait de conduire l’Empereur au bout du monde ».
— En effet, aurait-il précisé, si on ne réussit pas à franchir la croisière et à gagner la terre d’Amérique, aller en Angleterre sera un pis-aller auquel on pourra toujours revenir.
Selon Montholon, c’était se bercer d’illusions que de confondre les intentions du ministère anglais avec celles de la nation anglaise :
— La saine et froide raison commande de repousser ces illusions, et de se rappeler que la politique du cabinet de Saint-James a été, depuis dix ans, une politique pleine de haine pour la personne de Votre Majesté. Des ministres, qui ont
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