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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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soudoyé les conspirations incessantes du parti royaliste, ne peuvent recevoir l’Empereur en Angleterre autrement que comme un trophée de Waterloo.
    Mais l’Empereur ne l’écoute même pas : il a maintenant pris sa décision.
    En sortant du Conseil, Las Cases et Gourgaud reçoivent l’ordre de se rendre auprès du capitaine Maitland pour faire connaître au commandant du Bellerophon la détermination de leur maître. Le général devra lui demander de pouvoir prendre place sur un bâtiment léger afin de porter sans tarder à Londres la lettre suivante adressée au Prince-Régent et que l’Empereur avait préparée depuis la veille :
    « Rochefort, 13 juillet, Altesse Royale, en butte aux factions qui divisent mon pays et à l’inimitié des plus grandes puissances de l’Europe, j’ai consommé ma carrière politique, et je viens, comme Thémistocle, m’asseoir au foyer du peuple britannique ; je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de Votre Altesse Royale comme celle du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis. »
    — Comment trouvez-vous ce texte, demande-t-il à Gourgaud ?
    — Sire, cela me fait venir les larmes aux yeux.
    Puis l’Empereur dicte à Bertrand une lettre destinée à Maitland : « Si je dois aller en Angleterre, je désirerais être logé dans une maison de campagne, à dix ou douze lieues de Londres, où je souhaiterais arriver le plus incognito possible. »
    Le pauvre homme...
    Le même jour, le préfet Bonnefoux reçoit le nouveau préfet de la Charente-Inférieure. Celui-ci est porteur d’une lettre du comte de Jaucourt, ministre de la Justice de S.M. Louis XVIII. Il était ordonné au commandant de la Saâle de « remettre Napoléon Buonaparte au commandant anglais, aussitôt qu’il le réclamera ». Le texte de la dépêche précisait, en outre, que cette sommation ne serait pas faite au nom seul de S.M. Britannique : « elle le sera au nom du Roi, votre légitime souverain... Si vous étiez assez coupable ou assez aveugle pour résister à ce qui vous est prescrit, vous vous établiriez en rébellion ouverte. »
    Louis XVIII s’offrait le luxe de livrer lui-même Napoléon à l’Angleterre !
    Bonnefoux, épouvanté de devoir exécuter un tel ordre, s’arrange pour ne quitter Rochefort qu’à dix heures du soir et n’arrive devant la Saâle qu’à une heure du matin. On lui apprend que l’Empereur doit, dès l’aube du lendemain, se rendre à bord du Bellerophon. Le préfet Bonnefoux va-t-il arrêter Napoléon et le conduire lui-même jusqu’au vaisseau anglais ? Il préfère ne pas prêter la main à une telle ignominie et feint d’être arrivé trop tard pour exécuter les ordres du gouvernement royal.

    Le soleil du samedi 15 juillet 1815 va bientôt se lever...
    Napoléon revêt l’uniforme vert, à collet et parements écarlates, de colonel des chasseurs à cheval de la Garde Impériale, choisit parmi ses ordres la Grand-croix de la Légion d’honneur, puis celle de la couronne de fer et se coiffe de son légendaire bicorne. Suivi de ses officiers, en tenue comme aux Tuileries, il monte à bord de l’Épervier, un brick de guerre qui doit le conduire vers le Bellerophon où Maitland l’attend... Tandis que le petit bâtiment se couvre de voiles, Béker s’avance :
    — Sire, Votre Majesté désire-t-elle que je la suive jusqu’au Bellerophon, conformément aux ordres du Gouvernement ?
    — N’en faites rien, général, on ne manquerait pas de dire que vous m’avez livré aux Anglais ! Comme c’est de mon propre mouvement que je me rends à bord de leur escadre, je ne veux pas laisser peser sur la France le soupçon d’un tel affront ! Embrassez-moi ! Adieu...
    Les sanglots étouffent Béker qui répond à travers ses larmes :
    — Adieu, Sire, soyez plus heureux que nous !
    Mmes Bertrand et de Montholon se trouvent à ses côtés. Il passe sa main sur la manche de son uniforme :
    — Est-ce vert ou bleu ?
    — Vert, sire.
    Il a toujours mal distingué les couleurs et a craint un moment ne pas avoir revêtu son habit de colonel de la Garde. La nuit commence à pâlir. On lui apporte un peu de café dans une petite tasse de son nécessaire. En tournant la cuiller, il répand quelques gouttes du liquide brûlant sur le cuivre du cabestan... taches qui seront désormais respectées par l’équipage.
    L ’Épervier, où claque un drapeau tricolore, s’éloigne lentement.

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