Napoléon
bontés pour Murat ?
Napoléon doutait... – et de ce même doute découlait la lancinante question : pouvait-il donner la vie ? Quant au reste, il s’en moquait. Ses amours d’antichambre comptaient si peu pour lui !
Il y avait eu, quelque temps avant le sacre, Élisabeth de Vaudey, une des dames de Joséphine qu’il recevait fort rapidement à Saint-Cloud – pour ne pas dire qu’il l’expédiait – dans un petit entresol situé au-dessus de son cabinet de travail. Il y accédait par un escalier dérobé. Un jour, Joséphine, qui flairait l’intrigue, avait frappé à la porte alors que l’Empereur se trouvait avec Élisabeth. Quand il ouvrit, l’Impératrice, en voyant le « désordre » qui régnait, ne se fit aucune illusion sur la nature de l’audience accordée à sa dame de compagnie. Tandis que Mme de Vaudey sanglotait, une scène terrible avait éclaté, et Napoléon faillit répudier sa femme :
— Il faut vous préparer à quitter Saint-Cloud, lui avait-il dit. Fatigué d’une surveillance jalouse, je suis décidé à secouer ce joug et à écouter désormais les conseils de la politique qui exigent que je prenne une femme capable de me donner des enfants !
Et puis les choses s’étaient arrangées, pour peu de temps il est vrai, car il y eut encore Mme Duchâtel.
Elle était ravissante.
Brune de vingt-deux ans, à la taille moyenne, elle possédait de très jolies dents et les plus beaux yeux du monde, des yeux bleu foncé « à longue et soyeuse paupière ». Elle avait le pied petit, le sourire charmant, dansait et chantait fort agréablement et, telle quelle, avait plu à Napoléon. Elle se nommait Marie Antoinette-Adèle Papin, et avait épousé Charles Duchâtel alors directeur général de l’Enregistrement, qui offrait aux yeux de l’Empereur le principal mérite d’avoir trente ans de plus que son épouse...
Napoléon était, en effet, devenu presque amoureux de cette jeune femme désintéressée qui ne demandait rien, ni pour les siens, ni pour ses amis. Il la retrouvait dans une petite maison de l’Allée des Veuves. Un soir, à Malmaison, Joséphine surprit son mari qui, à travers les corridors carrelés et glacés, allait rejoindre la belle... Aussitôt les larmes de la créole s’étaient mises à couler, les plaintes avaient surgi ! L’Empereur n’avait pourtant pas la moindre intention de créer une place de favorite :
— Je ne veux nullement à ma Cour de l’empire des femmes. Elles ont fait tort à Henri IV et à Louis XIV ; mon métier à moi est bien plus grave que celui de ces princes, et les Français sont devenus trop sérieux pour pardonner à leur souverain des liaisons affichées et des maîtresses en titre.
Brusquement, un soir, Joséphine crut rêver. « Bonaparte » était seul auprès d’elle, il lui parlait avec une voix qu’elle connaissait bien, la voix de l’amoureux d’autrefois. Oui, il l’avouait, il avait aimé Adèle Duchâtel, mais la grande passion n’était plus...
— C’est maintenant fini, ajouta-t-il.
Joséphine sentit s’envoler le poids qui oppressait son coeur depuis plusieurs mois. Bien plus, l’Empereur, après avoir fait des confidences intimes sur ses amours, finit par demander à sa femme de l’aider à rompre sa liaison !
Joséphine s’y employa, on l’imagine, au mieux ! Mme Duchâtel étant l’intelligence et le désintéressement même, les choses se passèrent fort bien.
Napoléon ayant réclamé, par l’intermédiaire de Duroc, les lettres d’amour qu’il avait envoyées à la jeune femme, elle les lui remit sans se faire prier et refusa le collier de diamants qu’il lui offrait... Elle se contenta simplement d’accepter de recevoir parfois son impérial amant, lorsque les souvenirs le pousseront à reprendre le chemin de l’Allée des Veuves.
Mais Joséphine l’ignorait...
Napoléon avait été également attiré par la petite Stéphanie de Beauharnais, cette cousine du premier mari de Joséphine qu’il a donnée en mariage au prince de Bade. À dix-sept ans, elle était arrivée aux Tuileries. L’Empereur l’avait trouvée charmante. Cette petite fille – elle paraissait avoir quatorze ans – ayant deviné le charme qu’elle exerçait sur son « oncle » en abusait. Un soir que l’on attendait l’Empereur, Stéphanie s’était assise en présence des soeurs de Napoléon. Caroline lui ayant fait donner l’ordre de se lever, le maître avait trouvé
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