Napoléon

s’asseoir.
    — Dieu l’a créé, disait Napoléon, pour démontrer à quel point la peau humaine est extensible.
    Sa Majesté wurtembergeoise parut enchantée de devenir le beau-père du frère de Napoléon – ou Elle fit semblant de l’être... Mais le pape avait autrefois refusé d’annuler le mariage de Jérôme et d’Élisabeth Patterson – il ne trouvait, avait-il dit alors, « aucun motif » qui puisse l’autoriser à déclarer nuls les liens unissant les conjoints de Baltimore. Sa Sainteté avait achevé sa lettre en espérant que Sa Majesté Impériale verrait là « comme un témoignage de son affection personnelle ».
    Napoléon l’avait surtout considéré comme un affront.
    On s’était donc adressé à l’Officialité de Paris, qui s’était empressée d’obtempérer. On se contenta de prévenir Pie VII, qui, ayant avalé depuis 1805 tant de couleuvres impériales, se résigna à remercier « Sa Majesté de sa lettre gracieuse et pleine des plus vives expressions de sa piété filiale ». Imperturbable – on croit rêver–,il souhaita aux jeunes mariés « non seulement les plus grandes, mais les plus pures consolations ».
    La fiancée quitte Stuttgart pour Paris, menée au grand galop. Dès 4 heures du matin, on abandonne le gîte d’étapes. « Je ne comprends pas, lui écrivit son père, le motif qui vous a fait courir de cette manière, il paraît que l’on ne dort plus en France, mais je désire beaucoup que l’on vous épargne cette habitude. » Catherine devra se plier, comme tout le monde, au rythme napoléonien...
    Les fêtes du mariage sont somptueuses. Bals, banquets, feux d’artifice se succèdent. Les invités étincellent de diamants, d’or et de plumes. On échange ordres, rubans et décorations. Seul, Napoléon demeure fidèle à sa tenue de légende. Il se montre enjôleur. « Il a beaucoup causé avec moi, écrit Catherine à son père, et m’a forcée à boire du vin, pour me donner du courage à ce qu’il disait. Il est vrai que j’en avais besoin, quoique beaucoup moins intimidéeavec l’Empereur qu’avec le Prince... Après le dîner il a parlé avec les princes et princesses et il m’a embrassée à plusieurs reprises en me disant les choses les plus obligeantes du monde. Je n’aurais jamais cru que l’Empereur fût capable de témoigner autant d’amitié, à quelqu’un. » Si elle pouvait avoir un peu moins sommeil, elle serait heureuse ! D’autant plus qu’elle trouve son mari on ne peut plus séduisant.
    Devant sa corpulente fiancée, Jérôme interprète son rôle avec résignation... Quant à son emploi de roi, il le jouera avec une désarmante fantaisie. Leurs Majestés le roi et la reine de Westphalie partent pour Cassel, où les Westphaliens doivent entretenir une cour digne de l’ancien Versailles ou des Tuileries du grand frère. L’étiquette est sévèrement défendue par seize chambellans et par une dizaine de maîtres de cérémonie dorés sur toutes les coutures. Ils ont comme livre de chevet un énorme in-folio écrit par Sa Majesté elle-même : Étiquette de la cour royale de Westphalie.
    Cependant les Westphaliens – particulièrement les Hessois – qui ont été opprimés durant des siècles devraient accueillir avec enthousiasme le règne de Jérôme-Napoléon I er qui, avec la nouvelle constitution leur apporte l’abolition du servage et crée l’égalité devant la loi.
    Fastueux, Napoléon écrit à son jeune frère : « Mon frère, vous trouverez ci-joint la Constitution de votre royaume. Cette constitution renferme les conditions auxquelles je renonce à tous mes droits de conquête et à mes droits acquis sur votre royaume... » Puis il ajoute ces lignes qu’il faut relire – ce que Jérôme ne fera certainement pas : « Le bonheur de vos peuples importe non seulement par l’influence qu’il peut avoir sur votre gloire et sur la mienne, mais aussi sous le point de vue du système général de l’Europe. N’écoutez pas ceux qui vous disent que vos peuples, accoutumés à la servitude, recevront avec ingratitude vos bienfaits. On est plus éclairé dans le royaume de Westphalie qu’on voudrait vous le persuader et votre trône ne sera réellement fondé que sur la confiance et l’amour de la population. Ce que désirent avec impatience les peuples d’Allemagne, c’est que les individus qui ne sont pas nobles et qui ont des talents, aient un droit égal à votre considération et aux