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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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m’y avait retenu après qu’on eut appris, dans les heures suivant la mort de Messaline, que déjà des intrigues se nouaient autour de l’empereur. Les affranchis qui se partageaient le pouvoir s’entre-déchiraient. Chacun d’eux – Pallas, le surintendant, Narcisse, le secrétaire, d’autres comme Calliste et Evode – cherchait à pousser une épouse dans les bras de Claude.
    — Comme moi, mieux que moi, avait marmonné Agrippine, ils savent qu’il lui faut une femme. Mais je connais Claude : il ne choisira pas. Il prendra celle qu’on poussera dans ses bras.
    Elle avait penché la tête, s’était reprise :
    — Encore faut-il qu’elle lui convienne, qu’elle sache s’y prendre…
    Elle avait marmonné ces quelques mots, puis, relevant la tête, avait semblé me redécouvrir.
    — Serenus, tu restes ici auprès de moi, auprès de mon fils. J’ai besoin d’hommes sûrs !
    Le ton était sans réplique.
    Elle s’était mise à arpenter la vaste salle plongée dans la pénombre. Des fresques, on ne distinguait que les yeux brillants des taureaux sauvages, grosses masses noires qui me frappaient chaque fois que je pénétrais dans les lieux. Ils fonçaient sur moi, front baissé, cornes menaçantes, chevauchés par des déesses nues.
    Agrippine avait ajouté :
    — Ils vont rêver de nous tuer, mais ils n’oseront pas. Je suis la nièce de l’empereur, l’arrière-petite-fille d’Auguste. Et mon fils…
    Tout à coup elle avait hurlé qu’on lui amenât sur-le-champ son enfant, Lucius Domitius.
    Il était aussitôt apparu, entouré de ses maîtres, de ses nourrices, de son tuteur, et suivi du prêtre égyptien, Chaeremon, impassible dans sa toge ocre. Agrippine s’était précipitée, attirant brutalement son fils contre ses cuisses, lui pressant la tête sur son ventre, puis le conduisant jusqu’à moi.
    — Serenus, veille sur lui, avait-elle dit.
    L’enfant m’avait jeté un regard soupçonneux où se mêlaient la peur, l’angoisse et une sorte de défi.
    Il avait croisé les bras, menton levé, jambes écartées, figé dans une posture impérieuse qu’avaient tout à coup démentie un sourire et l’expression pleine d’innocence d’un enfant démuni qui cherche à séduire.
    Jamais je n’avais ressenti comme à cet instant que Lucius Domitius était un enfant divisé. Tel notre dieu Janus, il possédait deux visages dont les traits, au fur et à mesure que le temps passait – il avait déjà douze ans –, s’accusaient, si bien qu’à chaque fois que je le rencontrais j’éprouvais un sentiment d’inquiétude, à la fois attiré et repoussé par cet être double dont la perversité et la cruauté, l’assurance et la vanité, la violence jaillissaient d’un de ses regards, s’exprimaient par des attitudes, mais qui pouvait aussi, presque dans le même temps, apparaître tendre, sensible, attentif et respectueux des autres.
    J’avais surpris les élans affectueux de Lucius Domitius envers ses nourrices Eglogé et Alexandra, son maître grec Anicetus, son tuteur Asconius Labeo. Il était appliqué et écoutait studieusement le prêtre égyptien Chaeremon. Mais je l’avais vu, le front baissé, se dérober aux gestes d’amour que tentait de lui prodiguer Crispus Passienus, le mari de sa mère, qui eût dû lui tenir lieu de père.
    Il paraissait à la fois le mépriser et le craindre alors que Crispus Passienus était un être plutôt doux, si séduit par la beauté des choses qu’on disait qu’il était tombé amoureux d’un arbre, un olivier immémorial qui, à l’entendre, avait protégé de ses branches et nourri de ses fruits Remus et Romulus, les fondateurs de Rome.
    Mais Crispus Passienus était un obstacle qu’Agrippine entendait écarter, et son fils, qu’elle l’en eût ou non averti, le sentait, le savait, épousant ses désirs.
    Et c’était d’abord un désir de mort.
    Agrippine devait être libre de tout lien matrimonial si elle voulait – et elle le désirait avec l’avidité d’une bête de proie – devenir la femme de l’empereur Claude.
     
    J’ai vu ainsi s’avancer vers Crispus Passienus la mort masquée. J’en lisais l’annonce dans les yeux d’Agrippine et de son fils. J’en devinais l’approche quand je rencontrais, à la nuit tombée, Locuste, cette femme au visage toujours caché par un voile noir et qui marchait sans qu’on entendît le bruit de ses pas, comme si elle avait volé au-dessus du sol, oiseau des

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