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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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bien qu’il arrivât le premier au bureau, il
n’ouvrait pas. Il lançait le trousseau de clefs sur la table de Garino,
s’approchait du coffre, formait rapidement la combinaison, puis s’écartait,
laissant Garino donner les trois tours de clef, pousser la porte. « Tu as
ton compte ? » Garino rapidement ouvrait les sacoches, comptait les
rouleaux de pièces. « Ça a l’air. »
    Revelli, alors, passait dans l’entrepôt. Les chauffeurs
entraient. « Salut, patron », disaient-ils la bouche pleine, les
lèvres huileuses, le pan bagnat encore dans la main. « Oh »,
répondait Revelli, et d’un geste il les incitait à se dépêcher.
    Giaume, le contremaître, un carnet à la main, se tenait à
l’entrée de l’entrepôt. Il allait à la rencontre de Carlo Revelli.
    — J’ai pas assez de camions, il en faudrait deux fois
plus, on peut plus.
    Il tendait le carnet.
    — Comment, tu en as pas assez ?
    Giaume gueulait. Il y avait le pavage de la nationale 7, à
la Californie, et les travaux qui commençaient à Eze, sur la moyenne Corniche.
    — Fais-les rouler plus vite, disait Carlo. Tu envoies
rien sur la moyenne Corniche, aujourd’hui. Je monte voir, je te dirai pour
demain.
    Il prenait la voiture, allait inspecter le chantier, se
baissait avec les carriers qui attendaient l’explosion de la mine, à genoux
dans la poussière et les éclats de pierre. Puis, il marchait dans la caillasse
à vif, arrachant une pelle à un terrassier. « T’as vu une pelle déjà dans
ta vie ? »
    Il appelait le chef d’équipe, qui, les cheveux, le visage,
les avant-bras et les mains blancs, descendait le flanc de la falaise éventrée,
sautant sur les éboulis, se laissant glisser. Un nouveau qu’il n’avait jamais
vu encore.
    — Qui c’est, toi ? demanda Carlo, quand l’autre,
s’essuyant le front du revers de la main, était devant lui, fermant les yeux,
le soleil, la poussière…
    — Tu es depuis quand ici ?
    Bougonnant, Carlo répétait.
    — Un mois ? D’où tu sors, et Lombardo, qu’est-ce
qu’il est devenu ?
    L’autre faisait une moue d’ignorance. Carlo hurlait :
    — Tu l’as vu travailler, celui-là !
    Il avait encore la pelle à la main, il désignait l’ouvrier,
un adolescent, les cheveux noirs ras sur une tête ronde.
    — D’où il sort, lui aussi ?
    Carlo lui jeta la pelle que l’autre laissa échapper.
    — Dégourdi, cria Carlo.
    Puis il se dirigea vers le tunnel que l’on creusait pour
éviter un tournant trop raide au bord d’un à-pic. Les veines de la roche étaient
rouge vif avec des filets roses, comme des nervures. Carlo posa sa main, la fit
glisser, épousant les aspérités, ramassant des écailles tranchantes.
    — Elle est saine, franche. Tu as même pas besoin
d’étayer, tu vas droit.
    — Je mets du bois, dit le chef d’équipe, parce que
là-bas…
    Il s’enfonça dans le tunnel. Il était de la même taille que
Carlo, et, le regardant sauter les blocs avec agilité, se tasser, Carlo se mit
à sourire. Toi tu le connais, le métier. L’autre lui prit la main, la posa sur
la voûte. Leurs doigts mêlés, ils raclèrent ensemble une roche grumeleuse et
humide qui s’effritait sous l’ongle.
    — Là, je mets du bois, patron.
    Carlo sortit du tunnel, regardant les esquilles grises qu’il
avait gardées dans la paume.
    — C’est pourri, dit-il. Là, c’est pourri. Tu as raison.
Mets du bois.
    Il repassa devant l’adolescent qui enfonçait la pelle dans
la caillasse et qui, les muscles des bras raidis, l’apportait jusqu’à une
brouette. Carlo s’arrêta.
    — Ta brouette, hurla-t-il, tu peux pas la rapprocher ?
    — Il a pas l’habitude, dit le chef d’équipe. Il
apprendra.
    Il allumait calmement une cigarette, appuyant son pied sur
le parapet, le coude sur le genou, et cette assurance désarma Carlo. Il regarda
lui aussi vers la mer, les sinuosités de la côte. Cap-Ferrat que frangeait vers
le large l’éclatement des vagues.
    — C’est mon frère, continua le chef, plaçant son mégot
dans sa poche. Il avait commencé pour être ingénieur.
    Il s’interrompit, se redressant :
    — Pour les bois, vous me les faites porter aujourd’hui,
patron. Si on veut creuser faut s’assurer, sinon…
    Carlo le regarda s’éloigner. Il montait le flanc de la
falaise, s’agrippant avec les mains, ses chaussures à tige s’enfonçant dans la
roche éclatée. Il donnait un ordre en italien, et des ouvriers le

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