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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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dit Antoine à Rafaele, merde, tu la vois ?
     
    Cela faisait à peine un mois que Rafaele avait trouvé du
travail après plusieurs semaines de chômage. « Je te garde, toi, avait dit
le patron à Antoine. Lui, qu’est-ce que tu veux ? C’est pas un Français. »
Des jours et des jours sans un franc dans les poches de Rafaele Sori.
    De nombreux chantiers avaient été arrêtés au début de
l’hiver 31. Les poutrelles de béton restaient dressées, nues, et ça faisait mal
au cœur de voir la pluie tomber là-dessus, les planches des échafaudages
pourrir.
    Seules, quelques entreprises tenaient le coup. Celle de
Carlo Revelli où avait travaillé Francesco Sori. Elle procédait à l’agrandissement
du port.
    Un dimanche matin, Antoine avait été pêcher au bout de la nouvelle
jetée protégée par des cubes de ciment jetés comme de gros rochers pour briser
la mer. Il avait vu les lourdes bennes marquées du nom de Revelli faire la
noria, des quais aux entrepôts, revenir chargées de gravier. Il lançait sa
ligne, Edmond, près de lui, jouant avec les « tremoline », longs vers
roses que l’on vendait, mêlés à des algues, et qu’Antoine plaçait dans un vieux
feutre délavé, les déchirant pour les enfiler dans l’hameçon. Giovanna
tricotait, surveillant son fils.
    — C’est l’oncle, disait Antoine, en montrant les
camions.
    Les doigts de Giovanna s’immobilisaient. Elle jetait un coup
d’œil, elle recommençait ses mouvements rapides, approchait le tricot de
l’épaule d’Edmond.
    — Lui, continuait Antoine, la crise, il s’en fout.
L’argent, il doit même plus savoir.
    Il retirait sa ligne, un poisson avait mordu, décrochant la
tremoline. Il recouvrait l’hameçon d’un nouveau vers.
    — Lui, l’oncle, s’il en donnait un peu pour Edmond,
plus tard, hein ?
    Il regardait Giovanna tout en jetant la ligne à l’eau. Elle
continuait de tricoter.
    — On fera sans lui, comme tu as fait, comme on a fait,
disait-elle.
    C’était aussi l’entreprise Revelli qui terminait la
couverture du Paillon, à l’est, réunissant ainsi les deux rives par une vaste
esplanade, et, lors de l’inauguration, le préfet ou le maire, Antoine ne se
souvenait plus à qui l’ Eclaireur attribuait le propos, avait déclaré : Entre les deux parties de la ville, la vieille Nice traditionnelle, la
populaire, et la moderne plus ouverte sur les nouvelles manières de vivre, c’est
désormais la réunion. Une seule ville, bonne pour tous, Niçois et étrangers,
travailleurs et commerçants.
    — Tu parles, murmurait Antoine.
    Il descendait avec Rafaele l’avenue de l’Opéra qui conduit
du bord de mer à la rue Saint-François-de-Paule, apercevait des femmes debout
sur des escabeaux ou bien agenouillées sur la chaussée. Elles décoraient les
voitures pour la bataille de fleurs, accrochaient les œillets aux rayons des
roues, aux bras du fiacre, le long des garde-boue. Un œillet blanc, un œillet rouge,
la tige enroulée de fil de fer qu’on nouait à d’autres brins, ceinturant la
voiture.
    Antoine attendait Rafaele et ils roulaient de front :
    — Ce sera toujours les mêmes, tu crois ?
    — Ma.
    Un geste de la main de Rafaele pour dire : « Chi
lo sa. » Peut-on savoir ? Place Rossetti, devant la cathédrale,
Antoine sautait de vélo, le tendait à Rafaele qui freinait. « Je reviens »,
disait Antoine.
    Il entrait au Castèu, reconnaissait son oncle Luigi
qui avait maigri, ne portait plus ce crochet de fer au bout du bras droit, mais
une main de cuir ou de bois qu’Antoine distinguait mal parce que Luigi se
tenait au bout du comptoir, dans la demi-obscurité, lançant machinalement des
dés de la main gauche, les ramassant comme on prend une mouche, les envoyant
rouler, et il les arrêtait de sa main raide. Antoine s’approchait, et il
sentait que, de la salle, la femme là-bas, Rose Revelli, sans doute, le visage
bouffi des alcooliques, les joues qui écrasaient le nez, le cou gonflé, et deux
jeunes gens qui se levaient, ne le quittaient pas des yeux.
    — Oncle, disait Antoine.
    Luigi arrêtait les dés de sa main gauche à plat, les
écrasant sur le comptoir. Il plissait les yeux, sautait du tabouret, cherchait
à reconnaître ce visage dans son souvenir. Mais Antoine n’avait que les traits
d’un ouvrier, du plâtre sur la peau, dans les sourcils, la casquette un peu
penchée comme c’était la mode :
    — Oncle.
    — Tu es Antoine, toi ?
    Luigi prenait

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