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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pénombre des rues
de la vieille ville. Les journées, en août, finissent brutalement. Déjà, rue
Saint-François-de-Paule, les femmes achevaient de garnir les voitures en
s’éclairant avec des lanternes, ou bien on avait poussé les fiacres sous un
lampadaire. Les chevaux étaient attelés, et peut-être le son des cuivres, les
roulements de tambours des fanfares municipales qui défilaient sur la
Promenade, ils frappaient la chaussée de leurs sabots, urinaient, et la rue
sentait le crottin. En robe du soir blanche, les épaules nues, la poitrine
barrée d’écharpes de soie aux couleurs vives, un diadème dans leurs cheveux,
les reines des quartiers étaient prêtes, debout sur les chars, dans les
fiacres, pour ne pas froisser leurs robes. Au bout de la rue, le jardin
Albert-I er illuminé. Les palmiers, au fur et à mesure que la nuit
couvrait le ciel, se dressaient dans la lueur. Un barrage de policiers
débonnaires interdisaient l’entrée de la Promenade. Ils arrêtèrent Antoine et
Rafaele : « Pas par ici, fini ! » Comme Antoine insistait, un
gradé, s’approcha : « On passe pas, répéta-t-il, prenez la rue de
France. » Le ton changeait. « Vous avez des lumières ? »
    — On va à pied, dit Antoine.
    Il descendit de vélo, commença de le pousser par le guidon,
et Rafaele l’imita. Puis, quand ils furent place Masséna, ils remontèrent,
prirent la rue de France vers Magnan, roulant lentement parce que la foule se
pressait sur la chaussée, se dirigeant vers la Promenade.
    — Il m’a rien dit, avait dit Antoine à Rafaele quand
celui-ci l’avait interrogé. Il sait rien, mon oncle.
     
    Mais, maintenant qu’on avait appris que là-bas, dans la
caserne de la Milice fasciste de Rome, les Chemises noires avaient poussé Francesco
Sori le visage contre le mur, les mains liées dans le dos… Comme d’autres avant
lui, Schirru, Sbardellotto, Bovone, tous plus ou moins anarchistes, accusés
d’attentats, de préparation d’attentats contre le régime ou contre le Duce,
maintenant, Antoine, chaque fois que Rafaele répétait : « Francesco,
il croyait… », se mettait à transpirer de colère.
    — On va sortir, dit-il.
    Ils descendaient en silence, prenaient leurs vélos dans le
jardin. Comme ils allaient franchir le portail, Giovanna les appela, mais
Antoine se mit à pédaler.
    On pouvait, jusqu’à la mer, descendre en roue libre sous les
platanes. Antoine, qui allait vite, s’arrêta brusquement.
    — On peut pas toujours rien dire, rien faire, dit-il à
Rafaele. On peut plus accepter.
    Puis ils repartirent.
    Ils lancèrent d’un même geste les pavés contre les vitres du
magasin de transport et d’import-export de Joseph Darnand, puis contre l’étude
de maître Charles Merani, avocat au barreau de Nice.
    Et le bruit de l’éclatement du verre les accompagna comme un
cri bref de rage, pendant que, debout sur le pédalier, ils s’éloignaient en
zigzaguant.
24
    Oui, quelque chose, quoi ? comment ? dans ce
monde, dans sa vie, devait, allait changer.
    Violette était seule chez elle, allongée sur le lit, après
un bain. Bien. Si bien d’être seule. Elle jouait avec les boutons de la radio,
modifiant la longueur d’ondes, une voix, des rires, une chanson, un amateur qui
tentait sa chance au micro et que le crochet allait interrompre. « Celui-là »,
murmurait Violette.
    Elle se mettait sur le ventre, elle reprenait sa leçon
d’anglais, répétait les phrases et, oui, quelque chose allait éclater. Elle se
souvenait, ces bulles, dans la cour de la rue de la République, quand, un verre
d’eau savonneuse à la main, quel âge alors ? on n’arrive jamais à savoir,
elle les regardait tourner sur elles-mêmes, prendre la couleur du ciel ou des
façades. « Maintenant, maintenant », disait-elle, et la bulle
éclatait.
    La même attente, comme autrefois dans la cour, aux aguets
d’elle-même qui se lassait de Philippe.
    — Vraiment, Philippe, ce soir, je suis trop…
    Ils étaient face à face devant l’entrée des studios de la
Victorine. Violette cherchait dans son sac une cigarette pour ne pas avoir à
regarder Philippe, mais il lui tendait le briquet, et elle était contrainte
d’apercevoir, par-delà la flamme, ce sourire, ironie et tristesse :
    — C’est moi qui suis de trop, disait-il.
    Elle s’irritait de ce qu’il vît juste, avait un mouvement de
colère, ne réussissait pas à ouvrir la portière de sa voiture. Il lui prenait
la main,

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