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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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salauds, fascistes, salauds. Silence. Elle redescend. Au milieu de la chaussée, une silhouette tassée,
quelqu’un a glissé, et un gendarme crosse levée. Elle hurle, remonte en courant
l’avenue, se calme peu à peu.
    Elle oublie sa voiture, elle se souvient, les défilés pour
le départ des troupes en 1914, les uniformes, la foule, et elle accompagnait
Louise, plus tard, quand Millo partait. Puis c’était en novembre 1919, les
clairons et les tambours, le cortège officiel, et Violette qui courait vers la
gare où devait arriver Dante, et l’on applaudissait après les discours ;
on changeait le nom des rues, Victoire, Verdun, Déroulède, pour le premier
anniversaire de la guerre.
    — Vous ne croyez pas, demande Violette à miss Russel,
qu’il va bientôt y avoir la guerre, comme en 14 ?
    Voix douce et distraite de miss Russel : « Oui, oui »,
dit-elle. Elle s’interrompt, reprend :
    — J’étais une belle femme encore, en 1914, j’avais…
    Elle hésite :
    — Soixante. Une belle femme je crois.
    — Soixante, répétait Violette.
    Elle regardait miss Russel, elle tentait d’imaginer, elle
disait : « Je suis en retard. »
    Il fallait qu’elle fasse tout de suite, avant…
    — On change, ajoutait miss Russel en s’appuyant au bras
de Violette. C’est difficile, on n’aime pas.
    Violette devant son miroir, qui se maquille, se coiffe.
Avant que le monde explose, que cette gangrène contagieuse, l’âge, vienne à
fleur de peau… Elle tire un peu sur ses joues, soulève le menton, passe les
doigts sous sa gorge. Il faut qu’elle fasse, tout de suite. Elle laissait
retomber la main sur la coiffeuse… quoi ?
    Depuis que Philippe était parti, dans la paix venue et la
joie d’être seule se levaient, le soir, de courtes et dures bourrasques qui laissaient
Violette inquiète, comme si le silence dans l’appartement, et autour le vide de
la ville, puisque Philippe ne téléphonerait pas, l’oppressaient.
    — Tu ne peux pas rester seule, disait Katia, tu es
folle. Philippe, malgré tout, c’était Philippe.
    Des années Violette avait voulu dégager ses mains,
maintenant elles étaient libres. Elle n’avait plus d’excuses, il fallait donc
qu’elle fasse. Lire, apprendre. Violette s’installait, le dos contre les
oreillers, dictionnaire, romans anglais. Elle allumait une cigarette, elle
lisait à haute voix, cherchait à la radio, Londres, puis elle perdait le sens
de la phrase, se mettait à rêver. Prendre en gérance un magasin, parfumerie,
salon de coiffure, ou bien une boutique de mode. Elle cherchait un nom Modern
Chic , ou, pourquoi pas Back Street. Elle mordait le bout de ses doigts,
arrachait de fines lamelles de peau, allumait une autre cigarette, ouvrait le
journal, les annonces… Mais la première page était là : L’ordre de
grève générale de la C.G.T. a été suivi à Nice par tous les travailleurs.
Devant la Bourse du travail…
    Violette rejetait le journal, éteignait. Une boutique, en ce
moment… Elle écoutait le silence qui l’empêchait de s’endormir et si, sur le
boulevard de Cimiez, une voiture passait, Violette était sûre, alors, de rester
longtemps éveillée, allant d’un côté du lit à l’autre, nerveuse, enlevant une
couverture, se pelotonnant, impatiente. Cette bulle savonneuse où se prenait le
ciel, encore un instant, si bref, et elle allait crever, trop vite. Il fallait
qu’elle fasse, avant… Elle se mettait sur le ventre. Tous ces types autour
d’elle, ces nouveaux venus, ingénieurs du son qui arrivaient de Paris, qui
l’invitaient à prendre un verre, et ce serait si facile, et c’était si bête de
laisser la gangrène venir, de ne pas vouloir, de ne pouvoir accepter.
    Katia téléphonait :
    — Viens dîner demain, pour moi.
    Dans un des salons de l’Hôtel Impérial, Katia reçoit,
cheveux blonds courts, robe noire dont le drapé lui enveloppe les bras. Les
officiers qui participent au XIV e Concours hippique international,
capitaine Russo, un Italien, à la gauche de Violette, commandant Pierre Ritzen
à sa droite. Face à Katia, le colonel Bertaud, qui dirige l’équipe française ;
d’autres dont les noms, les visages se confondent ; Gustav Hollenstein
silencieux, comme en retrait.
    — Ce matin, dit Pierre Ritzen en se penchant vers
Violette, c’était très émouvant, cette cérémonie aux monuments aux morts, les
officiers de toutes les nationalités, n’est-ce pas ?
    Russo

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