Nice
approuve.
— Fraternité d’armes, dit-il, au-dessus des frontières.
— Pourquoi vous tuez-vous, alors ? demande
Violette.
Ces hommes sanglés, le colonel Bertaud qui parle à
l’officier allemand.
— Les civils, dit Ritzen, les civils, Mademoiselle, ce
sont eux. Nous…
Suffisance.
— Et le fascisme, dit-elle en souriant à l’italien.
Qu’est-ce que c’est, en somme ?
Katia l’interrompt :
— Commandant, demande-t-elle à Ritzen, vous êtes bien
le fils de notre député ?
— C’est le fils, dit le colonel Bertaud, le fils de mon
camarade Ritzen. Il est chez lui, à Nice, j’espère qu’il va l’emporter. Vous permettez ?
Un peu de chauvinisme…
Le colonel lève son verre :
— Au succès du commandant Ritzen mais, surtout, à la
meilleure équipe, celle qui gagnera.
Ils se lèvent, s’installent au fumoir, Ritzen s’assied près
de Violette :
— Le fascisme, dit-il, ce n’est pas un officier italien
qui pourra vous répondre, les Italiens… Demandez au colonel, il était attaché
militaire à Rome.
Ces hommes-là, qui avaient commandé à Millo, à Dante, à Clément,
celui qu’on avait fusillé, et dont la veuve, les lèvres si rouges… Qu’était-elle
devenue ?
Violette traversait le salon, le hall de l’hôtel. Gustav
Hollenstein la rejoignait comme elle entrait au bar :
— Vous n’aimez guère, n’est-ce pas ? Moi non plus.
Ces uniformes.
Il a une grimace de dégoût, prend son porte-cigarettes :
— Et ces nazis à ma table. Mais l’Allemagne est invitée
au Concours, n’est-ce pas ? Alors ?
Ils fument tous les deux.
— Comment allez-vous, Violette ?
Elle se tait. Il pose la main sur son poignet :
— Ce qui est difficile, dit-il, c’est de trouver
quelqu’un à qui parler. Il arrive un moment, oui, où l’on s’en passe très bien,
mais à votre âge… Et vous n’êtes pas Katia. On croirait, pourtant, que vous
êtes comme Katia. Ce n’est pas facile pour vous, vous devriez voir d’autres
gens, pas…
Il a un mouvement dédaigneux de la main :
— Pas ce monde du cinéma, votre Rex. Je vais organiser
ça, dit-il, venez.
Il la prend par le bras et ils rentrent au salon. Le colonel
Bertaud, debout avec les officiers allemands et italiens : « Vos
régimes, je constate seulement – Bertaud parle haut, ses yeux font le tour
de la pièce – créent entre l’armée et la population un climat de confiance.
Ce devrait être une leçon.
Gustav vint un jour, seul, chercher Violette, un dimanche, à
la mi-novembre 1934.
— Katia, expliquait-il, pendant qu’ils abandonnaient la
route du bord de mer, et, par la route des serres, entre les oliviers et les
plants d’œillets, gagnaient Saint-Paul, Katia, je ne tiens pas trop à la mettre
en présence de ma fille. Vous ne connaissez pas Nathalie ?
Elle les accueillait sur la place de Saint-Paul, un
pull-over d’homme jeté sur les épaules, les cheveux noirs relevés en chignon,
Alexandre Revelli s’avançant derrière elle.
— Celui-ci, disait Hollenstein, en montrant Alexandre à
Violette, regardez-le bien.
Quand Violette sut qu’il s’agissait du fils de l’oncle
Carlo, l’envie de rire, comme si, enfin, elle avait trouvé parmi les Revelli
quelqu’un vers qui elle pouvait aller sans déguisement, telle qu’elle était
devenue. Elle se mit à parler, vive, confiante, avec le désir de surprendre.
— Je suis allé à Mondovi, à Ceva, dit Alexandre, ils
sont partis de là-bas, nos pères, à pied.
Il racontait à son tour, s’animant aussi, se tournant vers
Gustav Hollenstein :
— Les Revelli, ils vous étonnent, n’est-ce pas ?
On appelait Nathalie du chemin des remparts, elle faisait
des signes, présentait Sam Lasky, juif, polonais, peintre, sculpteur, un homme
d’une cinquantaine d’années, chauve, le visage mobile, presque grimaçant.
— Encore un Français, dit Alexandre en riant.
— Français, dit Sam Lasky – il ouvrait sa chemise,
montrait sa poitrine cisaillée d’une large cicatrice. Ça, c’est ma
naturalisation, en 1916. On plaisante, on plaisante, et…
Il avait assisté, au début du mois, à une réunion au Palais
des Fêtes. « Pour voir », expliquait-il. Drapeaux tricolores. Jeunes
gens en imperméable bleu. « Un uniforme, expliquait Lasky. Ce sont des
singes comme les fascistes. » Ils crient : Jeunes patriotes,
jeunes patriotes, la France aux Français, la France aux Français. Ils se
prennent
Weitere Kostenlose Bücher